MFJ #3 : Mood For Africa
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MFJ #3 : Mood For Africa

L’Afrique a le vent en poupe, et il était temps. La richesse et la diversité de ses musiques et l’importante influence qu’elles exercent depuis toujours sur beaucoup d’autres styles musicaux ont trop longtemps été minimisées voire occultées, réduites à quelques clichés. On prend et on ne rend pas, du déjà vu, non ? Depuis quelques temps cependant, le monde de la musique "mainstream" commence enfin à admettre et assumer ces influences, et jette une oreille de plus en plus attentive sur les sons en provenance du continent. Les jamaïcains eux aussi y puisent parfois leur inspiration, à l’image d’un certain Busy Signal, qui a repris plusieurs titres d’artistes africains – vous saurez lesquels si vous êtes sages et que vous allez jusqu’à la fin de cet article.

Le reggae est – je ne vous apprends rien – ultra-populaire en Afrique depuis bien longtemps, mais le développement de la scène dancehall est plus récent. Si le public africain s’est facilement retrouvé dans les valeurs  et messages véhiculés par le reggae,  il en va de même pour les codes du dancehall, parfois très proches de certaines cultures africaines, par exemple au niveau de la danse ou des habitudes vestimentaires. Le terrain de jeu est en plus favorable : les médias sont assez décomplexés et laisse une belle place au dancehall à la radio et à la télévision. De même, le reggae et le dancehall sont bien représentés dans les compétitions musicales. La dernière décennie a ainsi vu l’émergence d’une importante scène dancehall africaine, et certains artistes rencontrent un gros succès. Ces artistes n’ont sans surprise aucune visibilité en France. Je vous propose donc un petit tour d’horizon - loin d’être exhaustif - de la scène dancehall « Made In Africa ».

La grosse star du moment nous vient du Ghana et s’appelle Shatta Wale. En tournée cet été au Royaume-Uni puis aux États-Unis, il aura pu ravir ses fans avec ses hits comme "Dancehall King" où il se proclame « roi du dancehall dans tout le Ghana ».



La couronne se dispute pourtant entre Shatta Wale et Samini, qui se sont clashés plusieurs fois. Samini avait sorti son premier album en 2004 (!), et a depuis connu un beau parcours. Le clip de sa collaboration avec  la star jamaïcaine Popcaan vient tout juste de sortir. Du côté des dames, l’actuelle diva du dancehall ghanéen s’appelle Kaakie.



On se dirige ensuite vers le Kenya, capitale africaine du reggae, et également du dancehall.  Les deux plus grosses stars locales du genre ont déjà une décennie de carrière derrière eux mais leur véritable succès reste récent. Il s’agit de Wyre, élu révélation de l’année 2013 aux International Reggae Awards à Miami devant D-Major et Chronixx, et de Redsan, signé chez Sony Africa depuis 2013.



Comme beaucoup d’artistes dancehall africains (et plus généralement non-jamaïcains), Wyre et Redsan utilisent bien sûr le patois des yardies, mais optent aussi de temps en temps pour le swahili. Au Zimbabwe, on retrouve fortement cette volonté de chanter dans sa propre langue avec des artistes qui préfèrent le shona à l’anglais. Dans le pays, le dancehall a connu une explosion rapide et importante, certains programmateurs radio en arrivant carrément à réclamer du dancehall en invitant les artistes à envoyer leurs productions, comme à Bulawayo, deuxième ville du pays ! Une compétition est d’ailleurs entièrement dédiée au genre, les "Zim Dancehall Awards".

Le leader de la scène zimbabwéenne a longtemps été Winky D – dont le succès vocodé "Musarova Bigman" est particulièrement touchant et entêtant, mais il faut désormais sérieusement compter sur les nouvelles sensations Killer T, Souljah Love et Shinsoman ainsi que Lady Squanda chez les dames.



Et la liste de pays et de noms pourrait se poursuivre longtemps. Le dancehall se développe partout en Gambie, en Ouganda… Peut-être de façon moins évidente dans les pays qui sont des anciennes colonies françaises, même s’ils ont également du dancehall à fournir,  à l’image du guinéen Singleton et son hit "Moto Taxi", beaucoup joué dans les soirées. C’est après tout le même schéma qu’en Europe, si on compare le rapport au dancehall de la Grande-Bretagne et la France. Dans les années 90, le dancehall arrive plus facilement dans les ex-colonies anglaises, et on le retrouve chez les vendeurs de cassettes, notamment en Gambie.

Retour en 2014, et on finit avec l’actuelle puissance musicale africaine qui est sans conteste le Nigéria. Pas tant pour le dancehall, même si la scène se développe et que l’artiste Squeeze a définitivement convaincu avec son énorme "Dutty Love".



Non, ici, l’Afrobeat règne. Enfin, ce que tout le monde désigne sous ce nom mais qu’il faut plus justement appeler « Afro pop ». Le style résonne jusqu’à Londres où il cartonne particulièrement, et se fait progressivement entendre aux quatre coins du monde. Et les rois sont P-Square. Même ici, à Paris, il est depuis quelques temps de bon ton de passer un P-Square dans une soirée généraliste. Les deux frères de P-Square ne sont bien sûr pas seuls : Davido, D’Banj, Sarkodie, Ice Prince, Timaya … La liste est longue ! Les artistes n'hésitent pas à mélanger les styles et le dancehall n’est jamais bien loin puisque les deux derniers ont respectivement fait des remixs de leurs hits avec Gyptian et Sean Paul.



L’artiste le plus polyvalent est sans doute le talentueux WizKid, qui cartonne à la tête du crew Starboy et  signé sur le label d'Akon. Entre hip-hop, rnb et afro pop, il flirte également souvent avec le dancehall depuis ses débuts.



De la créativité, du rythme à revendre et des instrumentaux ensorcelants, on comprend facilement l’envie d’y puiser son inspiration ! Fin du suspense : Busy Signal a donc repris "Personally" de P-Square, "U Go Kill Me" de Sarkodie et "Khona" de Mafikizolo (devenus "Professionally", "Same Way" et "Bou-Yah"). Même Walshy Fire de Major Lazer vous le dit, dans une mixtape récente dédiée aux musiques africaines (où on retrouve "Dancehall King" de Shatta Wale) : "Africa Is The Future". Mais c’est dommage d’attendre qu'on vous tienne la main, non ?

 

Par Nounours
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