BETA SIMON ou YOH BAILLY SIMON à l'état civil est un artiste musicien ivoirien qui ne cesse de faire l'unanimité autour de lui tant par la justesse de sa voix que l'ingéniosité par laquelle il compose ses chansons. Il est l'une des têtes de proue et compte parmi les meilleurs chanteurs reggae, genre qu'il affectionne et qu'il pratique avec dextérité.
Dès l'age de 6 à 7 ans, BETA se distingue par sa haute culture des proverbes et des contes Bété. Ce qui le conduit naturellement dans le cercle des vieillards, maîtres de la tradition orale. Son aisance à déchiffrer les énigmes et les devinettes de ses maîtres de la parole, son aptitude à confondre plus d'un par le caractère obscur de ses énigmes lui valut le nom de « Guehie Zappa » ou « Guehie Gnadou » : L'enfant prodige. Enfant très curieux, de cette curiosité qui représente la base de la connaissance et qui fait corps avec le goût du dévoilement du mystère et de l'inconnu, BETA ne voulait pas se contenter de ce qu'il y a et se préoccupait malgré son age du pourquoi et du comment des choses. Mais cette curiosité précoce poussée à son extrême ne pouvait qu'offusquer et déconcerter les moins avertis. C'est ce qui explique les réprimandes reçues de la part de son instituteur à l'age de 12 ans. En effet, celui-ci n'apprécia pas le fait que son élève lui demande la signification de la lettre « a » et l'apport du son « a » dans l'harmonie du monde. L'attitude du maître émoussa à ce moment tout l'intérêt de l'enfant pour l'école. Fort heureusement, elle n'ébranla pas pour autant son intérêt pour d'autres formes de connaissance. Dès lors, de son propre chef, il s'oriente vers un centre de mécanique générale. L'apprentissage fur fructueux, car il en ressortira ave un diplôme de catégorie 3B. Ce diplôme lui ouvrit les portes du central électrique du barrage de Buyo où il sera chef d'équipe. Après un an passé sur ce barrage, BETA se rend compte qu'il lui manque quelque chose. De ce qu'il fait, il ne voit aucune trace de bonheur véritable. Pour lui, le bonheur ne résidant pas dans l'appropriation, la maîtrise du monde et de la matière, il ne suffit pas de rendre les hommes heureux par les prouesses de la technique et de la technologie pour les rendre meilleurs. Il voulait se rendre utile en éduquant surtout l'esprit de l'homme qui est la composante essentielle du bonheur humain. C'est à ce moment, en 1982, soit à l'age de 18 ans, qu'il aura ce qu'il appelle lui-même la grande illumination à travers l'inspiration musicale. Pour la première fois, BETA peut se flatter d'atteindre la paix intérieure, de vivre en harmonie avec lui-même et les autres. Vous pourrez trouver le détail de son oeuvre sur ce site dans la rubrique "Son oeuvre". Conteur, maître des proverbes, la chose musicale ne pouvait qu'aller au mieux pour BETA. Chanter est-il autre chose qu'exprimer la richesse de sa culture à travers les schèmes bien définis d'une langue ? La langue est l'arme d'une culture. Elle est le reflet de la manière dont le groupe qui la parle perçoit et structure la réalité en fonction de ses besoins. Maîtriser une langue, c'est maîtriser la vision qu'elle donne aux choses et au monde. D'où l'importance de la langue aux yeux de Beta. Or il remarque que la langue Bété (sa langue natale) se pervertit au contact des langues occidentales. Truffée de mots d'emprunts, il est aujourd'hui difficile d'exprimer tout l'univers de sens Bété avec des mots adéquats, authentiques et originaux. Aussi recommande-t-il de revenir à la langue originelle du Bété pour pouvoir exprimer sa culture ? Cette langue, c'est le Baïssadé (la manière de parler de Baï). On ne peut parler de création, car cette langue existait déjà. Il n'a fait que la réhabiliter. La nouveauté, c'est le changement d'intonation dans la nouvelle façon de parler qui s'apparente quelque peu avec l'accent anglophone. Mais il n'en est rien ? Cet accent est la mélodie suprême, la mélodie primitive des dieux dispensateurs des dons de la chanson ? C'est l'accent par exemple du Gou-Gla, de Sokoura dêdê, de Dopé, du Dowré, etc… C'est cette langue qui sert de socle à ses compositions musicales. Elle n'est hélas plus l'apanage de tous, mais seulement de ceux qui ont une oreille attentive, ou ceux à qui l'âme des ancêtres parle encore et toujours. C'est la langue de la nature, des cris d'oiseaux, du sifflement des vents, de l'écoulement de l'eau, de l'innocence et de la souplesse des animaux, de la rudesse des montagnes, de toutes les images possibles. Toutefois, la face énigmatique de ses textes n'altère en rien leur valeur esthétique. La valeur artistique est ailleurs que dans le message. Beta ne dit pas que l'artiste doit se mettre en dehors de la politique, de l'économie et de la morale. L'artiste en effet doit critiquer, informer et éduquer. Mais il ne doit pas se limiter à ce rôle. Les intellectuels et les politiciens le font déjà bien assez. L'artiste doit également se préoccuper de l'esthétique, de la beauté. Privilégier le message, c'est tuer ce qui fait l'essentiel même de l'œuvre d'art à savoir la beauté. Le domaine de l'art étant le domaine de la liberté et de l'indétermination, là où il y a imitation, il n'y a pas d'art. Par conséquent, l'artiste ne doit pas imposer un sens à son œuvre au risque de limiter les consommateurs. Le seul message artistique qui s'impose à tous, au-delà de nos différences idéologiques, politiques et raciales, c'est le message de la beauté. Conscient de ce fait, Beta privilégie la mélodie dans ses œuvres musicales. Sa musique parle d'abord au corps avant de parler à l'intellect. C'est une musique qui se veut une excitation totale, une décharge totale de l'émotion prenant en compte toute la sensibilité. Il est donc difficile de ne pas réagir à la mélodie de Beta. Néanmoins, afin de mieux vulgariser le Baïssadé, il va lui trouver un alphabet et une structure sémantique. Ayant voyagé de part et d'autre en Afrique, il peut voir dans le Baïssadé le creuset de l'unité et de la dynamique culturelle Africaine. Pour lui, si l'intégration africaine passe nécessairement par les productions artistiques et esthétiques, elle n'atteindra son paroxysme que si elle est soutenue par une langue. Il n'est plus à démontrer l'importance pour un peuple de parler une langue commune et d'avoir une vision commune du monde. Cela est gage de pouvoir, de puissance, de richesse, d'indépendance comme nous l'indique le fameux mythe biblique de la tour de Babel. Les Européens l'ont compris, les Asiatiques l'ont compris. Seule l'Afrique est restée en marge d'une communication véritable, obligée de communiquer par le biais d'une langue étrangère et subissant ainsi la domination des peuples qui parlent ces langues. Les conséquences d'un défaut de communication en Afrique sont multiples : l'Afrique est émiettée, disloquée, appauvrie. Pour sortir de ce gouffre, la solution, c'est le BAÏSSADE.