Les fans de reggae moderne sont systématiquement en alerte lorsqu'un nouvel opus d'Alborosie est annoncé ; et pour cause, l'Italien installé en Jamaïque depuis une vingtaine d'années s'est toujours appliqué à produire de la musique de grande qualité. Ce Freedom & Fyah n'échappe pas à la règle. Très uniforme et fidèle à l'univers d'Albo, il s'ouvre tout de même à de nouveaux décors comme le dubstep ou le dancehall et offre une fois de plus une tracklist quasiment irréprochable.
On sent que le reggae a évolué, Major Lazer est passé par là et Alborosie surfe sur la vague. Pour preuve, le ganja tune Fly 420 où des thèmes bass music s'incrustent naturellement sur le son très rub a dub du chanteur et producteur. Puppa Albo a une fois de plus tout fait tout seul, ou presque, sur cet album. Auteur, compositeur et producteur de la quasi-totalité des titres, c'est aussi lui qui enfourche la basse, s'assoit derrière les fûts et caresse la guitare sur l'ensemble de ces douze nouveaux tracks.
C'est pourtant la première fois qu'il fait appel à des producteurs extérieurs pour un de ses albums. Winta James – qui tenait les manettes du terrible Ancient Future de Protoje – vient notamment en renfort, tout comme les Français de Flash Hit Records sur le très réussi Strolling en featuring avec Protoje justement. La passion de l'Italien pour la musique jamaïcaine vintage s'exprime toujours avec autant de subtilité et prend tout son sens sur Everything où le deejay vétéran Puppa Avril ride à ses côtés un riddim de toute beauté interprété par les Roots Radics. Puppa Albo nous a d'ailleurs confié dans une interview qu'un album entier avec le backing band légendaire verrait le jour plus tard dans l'année (!!!).
Les invités de ce nouvel effort sont triés sur le volet et même s'il on est un peu déçus par l'intervention de Ky-Mani Marley sur le lover Life To Me, on découvre avec plaisir une de ces voix inconnues qu'Alborosie aime à dénicher. Cette fois il s'agit de Sugus qui n'est autre que la grand-mère de la compagne de l'artiste. Âgée d'environ 70 ans, elle possède pourtant un ton juvénile et androgyne surprenant qui prend toute sa dimension sur Zion Youth. Un morceau où Albo glisse d'ailleurs un petit clin d'œil à Buju Banton qu'il se permet d'imiter brièvement, rappelant par là-même que ses cordes vocales lui permettent aussi de gronder comme les stars jamaïcaines qu'il affectionne tant.
La culture yardie est encore très présente dans l'univers d'Alborosie et les références au ghetto, à la pauvreté, à la violence parfois et à la chaleur caribéenne sont légions. Le chanteur semble toujours préoccupé par les difficultés auxquelles son entourage fait face et témoigne de son soutien avec Cry dans lequel il affirme pleurer tous les jours pour ceux qui souffrent en Jamaïque et partout dans le monde.
Le feu brûle toujours autant à l'intérieur d'Alborosie. L'Italien n'a pas perdu sa créativité et semble capable de fabriquer des big tunes indéfiniment en suivant presque à chaque fois la même recette : une voix rauque sur des riddims lourds et chaloupants, recyclant la puissance du dub des années 70, l'énergie du rub a dub des années 80 et l'agressivité du new roots des années 90. Pourtant, Alborosie est bien ancré dans les années 2000 et c'est là toute sa force.
Tracklist :
01. [Intro] The Prophecy by Rev. Rohan Treleven
02. Can't Cool
03. Fly 420 feat. Sugus
04. Cry
05. Strolling feat. Protoje
06. Rocky Road
07. Poser
08. Judgement
09. Life To Me feat. Ky-Mani Marley
10. Rich
11. Carry On feat. Sandy Smith
12. Everything feat. Roots Radics & Pupa Avril
13. Zion Youth feat. Sugus