Vous avez découvert notre nouvelle rubrique Who Rhum The World ? grâce à Scars le mois dernier et son voyage en Jamaïque. On continue les aventures du chanteur passioné de rhum avec la visite de la Distillerie Bielle à Marie-Galante en Guadeloupe. Notez que toutes les expériences de Scars sont aussi publiées sur son blog Who Rhum The World ?
C’est parti !
La visite de la DISTILLERIE BIELLE représente une des raisons pour lesquelles je voulais absolument retourner en Guadeloupe et notamment à Marie-Galante.
J’y étais pourtant déjà allé il y a 3 ans, mais mon passage sur place fut court et surtout concentré sur la boutique et la dégustation faute de temps.
Cette fois, je m’étais bien mieux organisé et grâce à l’aide d’un ami embouteilleur indépendant de grande générosité, j’ai pu être mis en relation directement avec JÉRÔME THIERY (Directeur de Bielle). Après un échange téléphonique pour expliquer mon projet, rendez-vous fut pris.
Arrivé un peu au dernier moment dans le ferry, je décidai d’envoyer un texto à Jérôme pour lui confirmer notre rendez vous.
Sa réponse nous conseillant de nous accrocher du fait d’une vigilance orange décrétée ne me rassura pas, car je n’ai malheureusement pas du tout le pied marin à mon grand regret...
La traversée d’une heure depuis Pointe-à-Pitre qui dans mon souvenir était bien agréable fut cette fois-ci un véritable calvaire pour moi.
Entre vomissements et sueurs froides, je me demandais comment est ce que j’allais être d’attaque pour assumer la visite et surtout la dégustation des rhums Bielle maintenant que mon estomac était vide et sans dessus-dessous.
Heureusement, une fois à terre et remis de mes émotions, un paquet de sablé à la noix de coco me requinqua de manière inespérée !
Une grande et belle éclaircie, l’excitation de retrouver cette magnifique île et cette distillerie que j’aime tant finirent par me remettre à flot (sans mauvais jeu de mot !).
Jérôme nous attendait et nous commençâmes par faire connaissance dans son bureau dans lequel DOMINIQUE THIERY (PDG de Bielle) nous rejoignit.
Présentation de mon projet, retour de dégustations, discussion sur les stratégies marketing de la distillerie, nouveaux projets etc... un échange passionnant qui entamait de la plus belle des façon cette rencontre !
D’un point de vu historique, Jean-Pierre Bielle arriva parmi les 1ers à Marie-Galante et possédait en 1769 une caféière. C’est en 1826 que ses fils Nicolas et Maximilien s’associèrent pour créer une sucrerie.
La distillerie sera créée par la suite et l’ensemble du domaine changera plusieurs fois de propriétaire jusqu’à ce que Dominique Thiery la prenne en main en gérance en 1975 et soit secondé dorénavant par son neveu Jérôme Thiery.
Après cette belle entrée en matière, Jérôme nous emmena voir la balance où les camions viennent peser la canne à sucre.
En effet, bien que propriétaire d’une plantation de 50 hectares de cannes à sucre sur l’île, les propriétaires de l’Habitation Bielle la loue à des agriculteurs qui revendent la canne à sucre majoritairement à d’autres clients.
La canne à sucre qui arrive chez Bielle provient de 100 à 130 producteurs de Marie-Galante, ce qui représente 10% des planteurs de l’île.
Ces cannes à sucre, entièrement coupées à la main, sont de 10 à 15 variétés dont la désormais célèbre « canne grise » grâce au rhum blanc mono variétal du même nom créé par la distillerie.
Nous suivîmes le parcours de la canne à sucre d’abord défibrées, puis broyées pour en extraire le précieux jus de canne qui est ensuite mis en fermentation dans de grandes cuves grâce à des levures de boulanger pendant 24 à 48h.
Profitant de la hauteur du point de vu, Jérôme nous expliqua le devenir de la vinasse, autre produit de la distillation.
Celle-ci est amenée jusqu’à un bassin où elle est traitée naturellement par des plantes consommatrices de matières organiques.
C’est le processus de phytoremédiation qui permet de traiter la vinasse de manière éco-responsable.
C’est à cet endroit que nous rencontrâmes Pierre, le distillateur en chef qui nous présenta fièrement les 3 colonnes Savalle de la distillerie qui possèdent chacune 19 plateaux.
Au delà du célèbre rhum blanc à 59% et du 100% Canne Grise, Bielle produit également un rhum blanc Premium qui subit une double distillation « colonne / alambic », ainsi qu’un tout nouveau brut de colonne à 71,2%.
Au delà du célèbre rhum blanc à 59% et du 100% Canne Grise, Bielle produit également un rhum blanc Premium qui subit une double distillation « colonne / alambic », ainsi qu’un tout nouveau brut de colonne à 71,2%.
Un projet commun avec Luca Gargano (patron de Velier) et Gianni Capovilla (célèbre distillateur italien d’eaux-de-vie) a permis la naissance de la marque RHUM RHUM en 2007 dont la gamme est notamment composée de deux rhums blancs à 41% et à 56%.
Pour se faire, la fermentation est bien plus longue (5 à 7 jours), la distillation se fait « à repasse » (double distillation) avec 2 alambics Muller avant de reposer 1 an en cuves en inox avant embouteillage.
Toutes ces explications furent accompagnées d’une dégustation à même les cuves de stockage à plein degré, un régal !
Puis vint le temps de visiter les chais de vieillissement.
Nous fûmes rejoint par Shirley Vedrine, opératrice en vieillissement.
Les fûts de Bielle sont constitués majoritairement de fûts ex Bourbon et de fûts ex Cognac, mais également par des fûts ex Grand Cru de Sauternes.
Parmi les nombreux chais de vieillissement, se trouve le Chai du Paradis qui regroupe les plus vieux fûts et dames jeannes de la distillerie.
Il renferme l’ADN du savoir-faire Bielle et n’a pas spécialement vocation, pour le moment du moins, à être utilisé pour de nouveaux embouteillages.
Et croyez moi bien que ce 2001 de 18 ans d’âge qu’il m’a été offert de déguster mériterait à mon sens d’être embouteillé en l’état tellement il est sublime !
C’est harmonieux et à la fois complexe, la quintessence de la patte Bielle me rappelant un certain millésime 1994 dans bien des aspects.
Profitant de l’occasion, Jérôme me fit déguster ensuite un Liberation 2015 dont il lui restait une bouteille.
Cette gamme LIBERATION de rhums vieux fait partie de la marque Rhum Rhum (la collaboration avec Luca Gargano et Gianni Capovilla dont je parlais précédemment). L’idée étant de noter sur la bouteille l’année de « libération » du rhum de son fût plutôt que son année de distillation.
Ainsi, il existe un 2010 réduit, un 2012 réduit et intégral (full proof), tout comme pour le 2015 (avec en plus une version exclusive pour LMDW) et le 2017. Un 2007 ne répondant pas à la logique de "libération" est également sorti pour les 70 ans de Velier sous le nom de "Rhum Rhum 2007".
La collaboration entre les associés de Rhum Rhum a malheureusement pris fin, mais la marque Rhum Rhum existe toujours et prépare un 2019 en version réduite et intégrale dont la présentation a été faite au dernier Whisky Live Paris.
Avant de totalement perdre la raison dans pareil endroit, nos hôtes nous emmenèrent dans un autre chai à étage cette fois où se trouve de petits fûts qui ont ou qui vont subir un vieillissement dynamique en mer.
Avant de détailler le devenir de ces petits fûts, il est important de revenir sur la base de ce concept qui est né également d’une collaboration, cette fois entre Bielle et le Tres Hombres il y a quelques années.
Ce voilier spécialisé dans le « fair transport » transporte des denrées caribéennes directement depuis les pays/îles producteurs jusqu’en Europe uniquement à la voile et donc avec une empreinte carbone à 0.
Séduit par ce concept et très curieux d’expérimenter le vieillissement dynamique durant les 6 mois du voyage (3 mois à quai et 3 mois de traversée de l’Atlantique), Dominique et Jérôme ont accepté cet ancien type de transport remis au goût du jour par cette équipe soucieuse de l’environnement et d’un avenir plus serein.
Désormais propriétaire de sa propre goélette que l’on peut admirer dès notre arrivée au port de Grand Bourg, Bielle fait vieillir elle-même de manière dynamique certains de ses rhums pendant des traversées de l’Atlantique notamment lors de régates.
C’est ainsi que fut créé la gamme ODYSÉE en partenariat avec la tonnellerie cognacaise LEROI grâce à aux fameux petits fûts dont je parlais plus haut, qui profitent de la traversée pour vieillir de manière dynamique au gré des vagues et d’un environnement beaucoup moins calme que dans un chai habituel.
Cette gamme regroupe trois rhums agricoles réduit (un blanc, un blanc premium et un ambré), ainsi qu’un vieux premium brut de fût.
Afin d’immortaliser cette journée, nous retournâmes dans le Chai Paradis pour faire une photo de groupe.
C’est là que mes yeux se posèrent sur des fûts siglés « Chambord ».
Malheureusement pour moi, ce projet reste pour le moment secret, mais je ne doute pas que nous en saurons plus bien assez tôt.
BIELLE 1994 17 ans 52%
Millésime 1994 mis en bouteille en 2001, ce rhum agricole de 17 ans d’âge de la distillerie Bielle de Marie-Galante a été embouteillé brut de fût à 52% en série limité. Longtemps trouvable notamment chez LMDW, elle est devenue dorénavant très rare.
C’est mon ami du 78 qui me l’a vendue il y a quelques années après que je sois tombé sous le charme de cette cuvée dégustée préalablement en sample.
La robe est ambrée foncée avec des reflets acajou.
Au nez, on est d’emblée plongé dans ce qui fait la patte Bielle selon moi.
Un fruité incroyable sur de la pâte de fruit et des fruits exotiques confits (ananas, banane, mangue) associés à un boisé noble et à des épices chaudes (pain d’épices sortant du four).
En bouche, on est saisit par une belle puissance tout en maîtrise qui vient intensément tapisser la bouche, mais sans agressivité.
Là encore, on retrouve des notes de confiture de fruits exotiques (banane, ananas, mangue) associées à des notes toastées de fruits à coque (noisette) soutenues par ce boisé inimitable qui se mêle au bouquet d’épices (gingembre, cannelle).
La longueur semble infinie.
Un monstre de justesse entre intensité aromatique et puissance maîtrisée.
Un immense merci à mes hôtes pour leur temps précieux, leur générosité et leur amour du métier.
Mille mercis à mon ami pour la mise en relation avec Jérôme Thiery.
Je souhaite à Bielle de continuer à produire des rhums aussi incroyables bourrés d’authenticité et de valeurs, le tout sublimé par un savoir-faire unique. Définitivement, dans le top 3 de mes distilleries préférées dont je pourrais déguster les rhums sur une île déserte jusqu’à la fin de mes jours.
Longue vie et bon vent !
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