Nagaï - Interview 'Back To My Roots'
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Nagaï - Interview 'Back To My Roots'

Après s’être présenté au public avec un maxi l’an passé, Nagaï, artiste originaire de la Réunion, revient avec son premier EP intitulé Back to My Roots. Un projet introspectif et spirituel qui n’est pas sans rappeler l’univers musical des Îles Vierges.

Reggae.fr : Comment s’est déroulé l’enregistrement de ton EP Back To  my Roots ?
Nagaï
: Nous avons enregistré Back To My Roots à l’endroit où nous répétons, une école de musique qui se nomme Tikaz Music, au Tampon à la Réunion. J’ai travaillé avec mes musiciens (Valentin Romain, Jérémie et Alain) qui partagent également la scène avec moi. Je crois à l’esprit familial dans ma façon de faire du reggae music, garder mes musiciens en studio et en live afin de construire ce projet ensemble. Avec cette manière de faire, une alchimie se crée, comme j’ai vu à travers des groupes comme Midnite par exemple. J’ai une belle équipe, j’ai de la chance. Pour le mix de l’album, j’ai collaboré avec Robert Sanchez qui s’était déjà occupé de mon maxi, sorti il y a 2 ans. J’aime sa façon de travailler. L’EP est composé de 8 titres dont de deux dubs réalisés par Roberto.

Pourquoi ce titre Back To My Roots ?
Quand j’ai commencé ce projet, j’avais déjà en tête de faire un album où je raconte ce qui se passe à l’intérieur de soi-même, d’inviter à l’introspection, une chose qu’on ne fait pas toujours naturellement. Un retour à l’essentiel, à la musique qui me fait du bien. Il s’agit aussi d’un retour au roots, le genre musical, ce que j’aime dans le reggae, nos fondations.

Pourquoi as-tu choisi d’ouvrir l’album avec le titre Forebearers ?
Parfois on débute une journée par une prière pour rendre grâce. J’ai pensé ce morceau comme tel, une prière envers nos ancêtres. À la Réunion, au-delà des croyances diverses et variées, nous avons un profond respect pour nos ancêtres. Au début du morceau on entend le bruit des vagues, nous l’avons enregistré dans un endroit particulier. À l’époque, les populations qu’on faisait venir d’Inde, d’Afrique de l’Est, de Madagascar… pour être esclavagisées étaient placées en quarantaine dans un lieu appelé le lazaret. C’est là que nous avons enregistré le son de la mer, c’était un moment intense pour moi. On a tous au moins un ancêtre qui est passé par là. Ouvrir Back To My Roots avec ce morceau est symbolique, j’exprime à travers les paroles que nos ancêtres sont toujours là et qu’on ne doit pas les oublier.

Avec qui as-tu travaillé pour la réalisation de la pochette ?
Pour la pochette, j’ai collaboré avec Emmanuelle Armon, une artiste réunionnaise. Il s’agit d’une belle rencontre, je suivais son travail depuis longtemps. J’avais une idée générale des éléments que je voulais retrouver sur la pochette, la présence de l’Afrique, de l’Inde, de Madagascar et illustrer aussi le côté reggae volcanique. Je souhaitais une cohérence graphique avec ce que j’exprime dans mes morceaux. Il m’était important de réaliser ce projet avec une majorité d’intervenants d’origine réunionnaise (musiciens, graphistes…) afin de montrer le potentiel de talent que l’on a ici malgré qu’on soit isolé géographiquement.

L’album est disponible dans quel format ?
Il est disponible sur les plateformes de streaming habituelles, mais également en CD et vinyle. On peut l’acheter sur notre Bandcamp (https://kaboummusic.bandcamp.com/) et dans divers shops en France et en Angleterre.

Lorsque tu parles de ta musique, tu emploies souvent le terme de Reggae Volcanique, peux-tu nous en dire plus ?
Lorsque tu écoutes du reggae, tu entends lorsqu’il vient du Pacifique, d’Afrique du Sud , de Jamaïque ou d’Angleterre. On ressent plus ou moins subtilement sa spécificité. Pour le reggae volcanique comme je le nomme, c’est une chose impalpable qui s’exprime à travers notre musique. Un mélange de notre vécu, du lieu où nous vivons, de nos influences au-delà du reggae, nous avons dans notre patrimoine le Maloya, qui est un genre musical. Notre musique est comme le volcan doux et strong à la fois.

Il me semble que tu as eu la chance, lors de ta venue en France, de rencontrer Dezarie, qui est une influence majeure pour toi. Comment s’est déroulée la rencontre ?
Effectivement, l’été dernier, j’ai eu la chance de croiser Dezarie au festival No Logo. C’est une belle et importante rencontre pour moi, car c’est une artiste qui m’a accompagnée musicalement depuis longtemps. Nous avons pu échanger sur ce pont invisible qui existe entre la Réunion et les îles Vierges. On se retrouve sur des similitudes historiques de nos deux îles, également dans notre manière de diffuser la musique à travers un roots puissant et profond. Pour l’anecdote, on s’est parlé en créole, et on se comprenait. Malgré l’éloignement géographique, nous avons un lien.

D’ailleurs sur cet EP tu t’exprimes majoritairement en anglais, mais sur deux titres, tu chantes une partie en créole ...
Le reggae que j’écoute depuis mon plus jeune âge est en anglais, donc naturellement, lorsque j’ai commencé la musique, j’ai choisi de m’exprimer en anglais. De plus, lorsque nous étions enfant c’est vrai que on ne nous encourageait pas à parler le créole. D’ailleurs, un ami métropolitain m’a fait remarquer que je ne parlais pas créole à ma fille, ce qui témoigne d’un trauma peut-être inconscient à travers notre histoire. Back to My Roots est un énorme retour sur soi, sous plusieurs aspects. Pour cette raison, j’ai décidé d’utiliser le créole, ma langue maternelle, sur deux titres que sont Self Reflection et Remind Me. Self Reflection a été un titre assez difficile à écrire. Parfois, l’introspection n’est pas toujours agréable, mais si on souhaite avancer, il faut parfois y faire face. Et dans ce que je voulais exprimer, utiliser le créole me semblait évident.

Comment se sont déroulées les dates que tu as pu faire en Europe cet été ?
J’ai eu la chance de pouvoir tourner cet été avec mes musiciens pour plusieurs dates, dont deux gros rendez-vous avec le public. L’un au Foreztival près de St Etienne, le public a été très réceptif à notre musique, d’ailleurs nos avons joué sur la scène magma, tout un symbole pour nous. Et l’autre au No Logo, pour nous, c’était un grand moment, nous y avons croisé beaucoup d’artistes. Ce fut une très belle expérience. L’accueil et la bienveillance de la part de l’équipe du festival m’ont beaucoup touchée.  Nous avons eu la chance d’avoir aussi comme ingénieur du son Tamal, qui travaille entre autres avec Marcus Gad et dont j’apprécie le travail depuis de nombreuses années.

Quels sont tes projets pour les mois à venir ?
Actuellement, nous sommes sur la promo de l’album. Pour la fin d’année, nous avons des concerts prévus, ici à la Réunion.  Nous viendrons en Europe fin mars début avril, les choses sont en train de s’organiser. Nous viendrons également pour l’été 2025 afin de présenter l’album au maximum de public sur les festivals. Et de mon côté, je suis déjà sur d’autres compos et d’autres textes.

Merci Nagaï !

 

 

Par Franck Blanquin
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