Clinton Fearon a dévoilé son 15ème album studio Jah Is Love il y a tout juste quelques jours. L'occasion était toute trouvée pour nous entretenir une nouvelle fois avec l'artiste !
Reggae.fr : Jah Is Love est ton quinzième album. Qu’est-ce qui t’a inspiré cette fois-ci, et pourquoi avoir choisi de placer l’amour au cœur du projet ?
Clinton Fearon : L’amour est au centre, parce que c’est ce que je porte en moi depuis toujours. Apporter la paix et l’amour à toutes les nations. Et avec toute la haine qui circule actuellement, c’est évident qu’on a besoin de plus d’amour aujourd’hui. L’album précédent partage en fait la même source d’inspiration. Je les ai écrits tous les deux sur quelques années, donc ce qui n’a pas trouvé sa place sur Survival Vibration s’est retrouvé sur Jah Is Love.
La plupart des morceaux ont été écrits l’année dernière, à l’exception de Can’t Stop Us, qui remonte aux années 1970. Pourquoi était-ce le bon moment pour le sortir ?
Je ne sais pas. Ça me semblait juste être le bon moment. Je l’ai joué en live avec Riddim Source, et le groupe a tellement bien assuré dessus que je me suis dit que c’était maintenant ou jamais.
Dans Sleepwalking, tu mets en garde contre la perte de nos valeurs essentielles. Est-ce comme ça que tu vois le monde aujourd’hui – qu’on dérive sans même s’en rendre compte ?
Oui. C’est exactement ce que je ressens vis-à-vis du monde actuel. Et j’espère qu’on n’ira pas trop loin au point de ne plus pouvoir faire marche arrière !
En tant que résident américain, avec Trump comme président, quel est ton regard sur la situation de la culture et de l’art dans ton pays ?
La situation est instable. Comparé à l’Europe, l’art n’a jamais été soutenu par les institutions ou les gouvernements chez nous. Mais aujourd’hui, c’est encore pire ; on ne sait pas où l’art va aller. Et comme l’art est une grande part de la culture mondiale, j’ai l’impression qu’on retournerait en arrière si on le détruisait. J’espère donc que les professionnels et les dirigeants ouvriront les yeux avant de lui faire du mal. Ce que je sais avec certitude, c’est qu’un pays sans art est un pays mort.
Tu abordes des sujets sérieux avec chaleur et espoir. Comment trouves-tu cet équilibre entre lucidité et optimisme ?
Parce qu’au milieu des atrocités, il faut survivre ! Il faut trouver le temps de rire, c’est de la musique pour l’âme ! On doit garder l’espoir. Et j’espère sincèrement que celles et ceux qui prennent aujourd’hui de terribles décisions se réveilleront et comprendront que leurs choix sont aussi néfastes pour eux que pour nous tous.
The Real Bush Doctor célèbre la nature, les abeilles, les oiseaux, et même le rossignol. Qu’est-ce que cela signifie pour toi d’être un bush doctor aujourd’hui ?
Comme je le dis dans la chanson, les bush doctors pollinisent toutes les fleurs et tous les fruits qu’on mange... Et si on détruit la nature, alors on détruit aussi les pollinisateurs, qui sont les véritables médecins de la nature. Donc encore une fois, c’est un appel au réveil : il faut prendre soin de Mère Nature. Il ne s’agit pas seulement de construire des gratte-ciels, mais aussi de préserver des espaces verts, des arbres, des fleurs pour les abeilles et les oiseaux, etc. Pour qu’on puisse tous survivre.
Tu as enregistré l’album en France avec le groupe Riddim Source. Qu’est-ce que cette collaboration apporte à ta musique ?
C’est juste grandiose. J’adore la manière dont Riddim Source interprète ma musique. Je ne pourrais pas être plus reconnaissant. Après toutes ces années de pratique, on a développé une vraie complicité sur scène et en studio. Je pense qu’on aime vraiment jouer ensemble. Beaucoup de respect pour eux, ce sont tous de grands musiciens et de belles personnes.
Qu’aimerais-tu que les jeunes générations retiennent de cet album ?
Suivez votre cœur, vos rêves, aimez ce que vous faites, donnez-vous à fond. Et au milieu de tout ça, n’oubliez pas de vous aimer et de vous respecter vous-même.
À 74 ans, tu es plus actif et prolifique que jamais. Qu’est-ce qui te motive aujourd’hui ?
L’amour. Et je me vois à 35 % de ma capacité, en route vers les 100 %, donc j’ai encore beaucoup à faire ! Chaque jour est une leçon.
As-tu encore des rêves à réaliser en tant que musicien ?
Oui. J’aimerais, un jour, pouvoir réunir sur scène tous les éléments qu’on entend sur l’album. C’est-à-dire : batterie, basse, percussions, cuivres, guitares, chœurs… Toutes les parties différentes sur scène. Ça ferait probablement 18 personnes ! On n’a pas encore les moyens de financer ça. Mais je rêve.
Quel rôle la France joue-t-elle dans ton parcours aujourd’hui ?
Un rôle énorme. La France soutient ma musique depuis de nombreuses années, déjà dans les années 80 quand j’étais avec les Gladiators. Puis quand j’ai commencé ma carrière solo, elle a continué à m’appuyer. Et tu sais, ma femme Catherine est française, c’est ma fan numéro un, et elle a joué un rôle central dans mon développement, en France et ailleurs. Nos partenaires de Baco sont aussi en France, et depuis de nombreuses années ils nous aident pour la tournée, la distribution, la promo et plus encore pour développer ma carrière en Europe. Je suis vraiment reconnaissant pour tout l’amour et le soutien que la France m’a donné.
Merci Clinton Fearon !