On l'avait vu débarquer fièrement avec l'excellent Rasta Nuh Gangsta en début d'année, Samory I confirme tout l'espoir que l'on plaçait en lui avec un album complet à l'image de ce single : un son lourd, décontracté et particulièrement bien produit, une voix identifiable hors du commun et une écriture à la fois sage et aiguisée.
Ils ne sont pas nombreux à pouvoir reprendre un morceau de Ken Boothe en nous filant les mêmes frissons. Samory I passe pourtant le test haut la main sur un Is it Because I'm Black complètement revisité tant dans l'instru que dans l'interprétation. Voilà qui résume rapidement les compétences du jeune chanteur à la voix androgyne. Sa prestation se termine par une instrumentale extended où les musiciens s'expriment pleinement. Dean Fraser y va de son phrasé saxo et le couple basse-batterie s'en donne à cœur joie servi par un mix impeccable. Produit par Rory Stone Love, l'album renferme d'autres titres de cette facture où la part belle est faite au dub en fin de track. Le single Rasta Nuh Gangsta y a droit, donnant un tune de plus de neuf minutes pendant lesquelles on ne s'ennuie pas... une prouesse ! Et que dire de l'éponyme Black Gold où la batterie de Kirk Bennett s'emballe façon mitraillette à la Sly Dunbar ? Divin !
Mis à part le très cadencé Suit & Tie (qui reprend le Royal Step Riddim de Maximum Sound sur lequel Samory avait déjà posé Ride On en 2016) l'ensemble des titres suit un rythme très lent, créant une atmosphère à la fois sereine et pesante. Samory I retranscrit la souffrance du peuple noir sans pour autant éveiller la pitié de l'auditeur. Lost Africans ravive ainsi la mémoire des ancêtres de la nation jamaïcaine après une intro pétrifiante de deux minutes où les instruments entrent les uns après les autres avant de laisser place à une mélodie de cuivres irrésistible (la section cuivre a d'ailleurs fait un travail incroyable sur l'ensemble de l'opus). Les thèmes pieux ont aussi une place importante avec des titres comme Son of David, Serve Jah, There is a Spirit ou Fear of Jah qui reprend l'air du tube international Mamy Blue (que les Français connaissent grâce à Nicoletta !) jadis repris par Ken Boothe ou Horace Andy. Tout est cohérent dans cet album : les thèmatiques abordées font écho à la profondeur des riddims et Samory I donne vie à ses textes en les incarnant littéralement – au risque parfois d'en faire un peu trop.
On n'avait pas pris une telle claque depuis longtemps. Black Gold n'est pas le genre d'album qu'on écoute d'une oreille distraite. Black Gold est un album vivant qui foisonne de petits détails musicaux à l'importance capitale. Black Gold est à dévorer avec attention et passion. Black Gold se vit. Black Gold brille. Bref, Black Gold est un bijou, un vrai !