Ni mauvais garçon ni clone rasta, Monsieur Toma est un artiste de 27 ans qui vibre au son de la musique jamaïcaine comme à celui du hip hop. Ce jeune autodidacte qui a commencé à vivre sa passion pour le son à l’âge de six ans, quand son père le fait rentrer au conservatoire pour apprendre la batterie.
À l’approche de l’adolescence, Toma tombe dans la marmite rap en écoutant le premier album de NTM et en écoutant la radio. « J’habitais à Torcy, juste à côté de l’endroit où s’enregistrait l’émission du collectif Time Bomb. J’ai vu les X-Men et Booba rapper ensemble quand j’avais 14 ans.», se souvient Toma. C’est l’âge des premiers groupes un peu bancals, des expériences musicales dans des caves exiguës. Toma se cherche. Passionné par
Bob Marley, il reprend ses chansons. Fasciné par le ragga, il se la joue dancehall en imitant la grosse voix de
Buju Banton. Tenté par le rastafarisme, il rencontre le groupe Jah People, avec lequel il tourne deux ans, passant des chœurs aux voix lead… Avant de partir. « On s’est séparés à cause de Jah : moi je ne suis pas un mystique, alors j’ai tout arrêté. Je venais d’avoir ma fille, j’avais 20 ans. Je me suis mis à l’écriture pour faire mon propre truc. Je me suis enfermé avec mon ordinateur pour travailler. » Mais tout n’est pas si facile, et la première signature en indé se solde par un album très reggae… Qui ne sortira jamais.
Au moins, Toma a désormais un répertoire. Mais commence à se demander s’il va réussir à percer. « Cet album qui n’est pas sorti en 2002, ça a été une grosse déception », se souvient-il. « J’ai recommencé à bosser, je me suis même retrouvé à jouer avec Thomas Broussard, mon pote guitariste, dans un Club Meds, imagine le délire ! » La rencontre avec un troisième Thomas, Join-Lambert, batteur, soude le noyau dur de Mr. Toma version 2006. Pendant deux ans, les trois T travaillent sur des compos originales où le reggae est une influence parmi d’autres (Toma est un fan absolu de Sting, par exemple). La guitare tient une place prédominante dans le son de Toma, et ses textes se font intimes.
Car Toma a une histoire personnelle douloureuse. Né sous X, il n’a jamais connu ses parents naturels. Plutôt que de se lamenter, il exorcise ses démons par la chanson. Et signe avec « Mon identité » une chanson poignante racontant son expérience, s’adressant à la mère qu’il n’a jamais connue avec une sincérité et une franchise bouleversantes. « Tu m’as laissé un jour d’août 79 sur le côté, alors que j’avais rien demandé/Toi qui m’a porté, tu m’as laissé tomber » dit-il sur fond de groove entre feeling reggae et mélodie pop. Sans pathos, avec le cœur. « Je ne veux pas faire le chouineur ni jouer à Cosette. Chacun sa croix, la mienne c’est celle-là. Quand tu as un X à la place de ton nom, l’identité ça compte. Je ne vais pas laisser un X, vous allez tous vous souvenir de moi ».
Tandis que Toma mûrit, les portes commencent enfin à s’ouvrir. C’est d’abord « Plus loin », une participation remarquée sur la compile de Passi « Dis l’heure de Ragga Dancehall », puis un featuring avec Soundkail produit par
Frenchie sur la compilation « Ragga Connection ». Une rencontre avec Seb Farran, qui fut le manager de Raggasonic, NTM, et maintenant de Joey Starr, détermine le futur de Toma dans le milieu musical. Après plusieurs rencontres, notamment en Guadeloupe durant l’été 2004, Seb convainc Toma qu’il a besoin de lui pour évoluer dans la jungle du biz.
Prêt pour le grand saut, Toma peaufine son album, enregistré aussi bien dans la cave de Joeystarr (le désormais mythique studio Boss) qu’aux studios Harry Son et + 30, en compagnie du mixeur jamaïcain Shane Brown (un disciple du grand producteur Clive Hunt) et de Mitch Olivier. La tonalité des textes est originale car Toma a préféré parler de son quotidien plutôt que de l’actualité. Sa voix émouvante ne tente pas d’imiter les stars du moment et flirte entre les styles. « Déjà moi et le rap c’est mort, j’ai le flow de 1993 ! Des fois je flirte avec le ragga mais mon univers se rapproche plus de la chanson, de plus en plus pop et rock. » Pour choisir ses invités, Toma ne consulte pas les hit-parades mais préfère jouer la carte du feeling. Ainsi retrouve-t-on
Dragon Davy (de Soundkail) sur « Sois fier », Kery James sur le très humaniste « Ouvrir ton cœur » et le jaguar gorgone sur le tonitruant single « Keskiya ? ». Faute de temps, il ne peut inviter des artistes qu’il admire comme -M-, Mac Tyer ou Booba, mais ce n’est que partie remise. Plutôt que de se complaire dans le nihilisme qui tente la génération issue des cités, Toma se fait nostalgique en évoquant la jeunesse banlieusarde (« Les jeunes de mon quartier »). Il évoque son histoire dans « Jusqu’ici », morceau « en direct de son 9-4 » racontant son parcours et ses ambitions (« Je veux que ma voix résonne/Sans ressembler à personne »). Dans « Le ciel », il combat les mauvais feelings et refuse d’insulter l’avenir (« laisse le ciel se dégager/Ta chance va bientôt tourner »). Toma lâche les guitares hurlantes sur « Blesser », aux riffs musclés en harmonie avec sa voix. Identité révèle un talent caché désormais prêt à s’exposer à la face du monde.
Toma a la voix. Toma a le vécu. Toma a des compositions en béton. Toma a le son qui met la pression. Et surtout, Toma a une identité unique.
Ni classé X, ni classé dans la varièt’, Mr. Toma débarque.
Album Identité sortie le 26 Décembre 2006