Interview Jezzaï
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Interview Jezzaï

« Mon objectif est de promouvoir des textes conscients, adaptés à la société dans laquelle on vit » Tu as collaboré avec plusieurs sound systems (CallJahCrew, Blazing Sound, Legal Shot, King Junior Sound) et un groupe (D-Roots Band). Comment a tu réussi à concilier toutes ces activités ? - J’aime bien bosser avec tout le monde. Je n’ai pas de crew attitré et dans chaque groupe ou je suis arrivé, j’ai été très bien accueilli. En fait, je vois tout cela de manière simple : j’ai débuté avec mon groupe de base, Zebra Expérience, puis j’ai fait mon chemin. Après, c’est un enchaînement d’évènements et de rencontres qui m’ont fait en arriver là. Comment a marché ton premier album de quatre titres, « Premières marches », sorti en août 2004 et auto-produit sur ton label « Jezzaï Recordz 2004 » ? - Pas très bien. Au niveau des ventes, c’est un demi échec. Mais cet album est aussi une demi réussite car en montrant ma motivation, il a contribué à me faire connaître et a quand même donné une nouvelle impulsion à ma carrière. C’est notamment grâce à cet album que le Legal Shot m’a contacté. Cette première expérience en auto-production - auteur, interprète et producteur - m’a appris qu’il faut savoir s’entourer pour lancer un tel projet. Je n’avais pas prévu toute le travail concernant la promotion du disque. Après coup, je me suis rendu compte que je ne m’étais pas forcément assez entouré. Comment s’est passé ta collaboration avec le Legal Shot Sound System ? - Après la sortie de mon album, en août 2004, je suis parti en tournée avec eux. Pendant quinze jours, j’ai assuré la première partie de Sista Nancy en Italie, en Belgique et bien-sûr, en France. Pendant ses voyages, j’ai pu rencontrer de nombreux artistes avec lesquels je garde encore des liens, puisqu’aujourd’hui, presque deux ans après cette tournée, je suis invité pour aller me produire à Rome. En fait, chaque expérience m’intéresse. L’important pour moi est de faire de la musique, peu importe avec qui. Je m’implique dès que le projet me paraît intéressant et logique. Comment t’es tu fais repéré par la structure de distribution et de promotion « Big Famili », fondée par Baron Black et King Kalabash en Martinique en 1990 ? - Lors d’une soirée avec le Blazing Sound à Rennes, on les avait invité. Depuis cette rencontre, j’entretiens de très bonnes relations humaines et artistiques avec eux. Quand je suis venu habiter à Paris il y a trois ans, on s’est donc revu. Big Famili possède un label, le « Black House Music » et un studio, le « Black House Studio ». Ils ont une véritable démarche professionnelle et mettent les moyens pour arriver à produire du son de qualité. Leur studio est un extraordinaire lieu de créativité et de rencontres : il tourne tous les jours et des chanteurs comme Daddy Mory ou Lyrickson y passent régulièrement. Depuis deux ans, Big Famili compte trois membres puisque Brimstone, l’ancien sélecta du Blazing Sound, a rejoint Baron Black et King Kalabash, en tant qu’ingénieur du son et producteur. Il y effectue un vrai travail de fond sur la musique du collectif. Qu’as tu fait avec eux ? - J’ai enregistré en 2006 la chanson « Falsification » sur le Poutchi riddim, en combinaison avec Little Francky. Comme ce morceau a eu pas mal d’exposition, il me permet de me maintenir dans le circuit. Quels sont tes prochains projets ? - Pendant les vacances de Noël, j’ai fait une combinaison avec Malkijah, le deejay numéro un de La Réunion. Notre morceau va apparaître sur le deuxième volume de la compilation « Kèrmarronz », produit par DJ Dan, sachant que la première édition avait fait un carton sur l’île. Je vais également apparaître sur la série d’un nouveau riddim de Kawulé et sur diverses mix tapes à Rennes, dont « Hybrid Tape », produit par El Tismé. Puis il y a le gros projet de 2007 : je pars pendant quelques mois écrire des textes dans le sud de la France avec Brimstone, pour mon prochain disque. Avec lui, comme nous sommes tous les deux guitaristes, nous allons pouvoir prendre le temps de composer, en toute tranquilité. Ce retrait me paraît nécessaire pour trouver l’inspiration. D’où vient ton nom de scène, Jezzaï ? - Cela vient de mon grand-père, qui est tailleur de vêtements à la Réunion. Pour son travail, il utilise des grands ciseaux qu’on appelle des cisailles là-bas. Par extension, sur l’île, il se faisait appeler « Zzaï » et tous ses fils aussi. M’appelant Julien, j’ai mis le « J » au début du surnom familial et cela a donné Jezzaï. Tu sembles porter une attention particulière aux textes de tes chansons, puisqu’on y retrouve que des messages réfléchis, conscients…Comment se passe le travail d’écriture ? - Déjà, il faut savoir que pour moi, l’écriture des chansons est une vraie prise de tête. J’y passe énormément de temps. J’essaie de délivrer un message positif et réfléchi et surtout de ne pas parler des thèmes préconçus du reggae. Je pense qu’il faut arrêter de fantasmer la Jamaïque ! Je préfère promouvoir des textes conscients, adaptés à la société dans laquelle on vit. Voilà mon objectif. Depuis le début de ta carrière, quel est ton meilleur souvenir sur scène ? - La dernière scène que j’ai fait à Rennes, à la salle de la cité. On a joué en acoustique avec Brimstone. Lui à la guitare, moi au chant : pure ambiance ! Que penses-tu de l’évolution du reggae jamaïquain actuellement ? - Je pense que c’est très bien qu’en Jamaïque, les artistes, même dancehall, soient contraints de faire une big tune new roots pour faire leurs preuves. Pour gagner le respect des autres, les chanteurs de l’île doivent se remettre à un son roots, plus mélodique. Après les succès du dancehall, cette nouvelle tendance me réjouit. Penses-tu que le reggae français a de l’avenir ? - Oui. Mais selon moi, il faut que cela s’organise plus au niveau de la production. Le reggae français a besoin de productions sérieuses, élaborées de manière professionnelle, à l’image de ce qu’a fait le label Black House Music avec le Poutchi riddim. Les producteurs de reggae français devraient sortir des riddims instrumentaux, enregistrés par des musiciens, et plus guider l’artiste lors de l’enregistrement en studio. Pour que les morceaux puissent passer à la radio, il faut davantage d’investissement.
Par Alexandre Lemarié
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