Le 11 octobre 2008, Alton Ellis décédait à l’âge de 70 ans des suites d’un cancer au Hammersmith Hospital à Londres. Surnommé « The Godfather of Rocksteady » et « Mr Soul », Alton Ellis demeure l’une des plus grandes figures de la musique jamaïcaine.
Alors qu'il aurait célébré ses 86 ans il y a quelques jours et que son fils vient de lui rendre un hommage musical poignant, nous retraçons ci-après la carrière d’Alton Ellis, à l'aide d'un entretien que nous avions réalisé lors de sa venue en 2007 au festival Rio Loco de Toulouse.
Né à Kingston en 1938, Alton Ellis a commencé très tôt sa carrière artistique. À l’âge de 16 ans, il se produisait comme danseur, puis il rencontra Eddie Perkins avec lequel il décida de former un duo. Très vite ils connurent le succès avec leur titre « Muriel » qui devint en 1959 un hit en Jamaïque.
Perkins part alors aux États-Unis pour tenter une carrière solo. Lors de notre dernière rencontre avec lui, Alton nous raconta ces débuts : « Je participais à des concours locaux, j'étais bon danseur ! Mais au bout de 2 ans, j'ai décidé de chanter. J'ai commencé avec Eddie Perkins, qui allait encore à l'école à l'époque, moi je n'y allais plus et j'étais sans emploi. On s'est associé pour former notre duo 'Alton & Eddie'. Le premier titre a été 'Muriel', on avait fait quelques titres avant, mais pour 'Muriel' c'était la première fois que j'allais dans un vrai studio, c'est moi qui avais écrit la chanson ».
Alton Ellis enregistre ensuite quelques titres Ska, notamment pour Prince Buster, et continue de travailler avec le producteur Sir Coxsone du légendaire Studio One. Se considérant mal payé, il le quitte pour rejoindre le studio rival : Treasure Isle de Duke Reid. Il travailla principalement pour ce dernier, mais aussi pour d’autres producteurs (Clancy Eccles, Bunny Lee, Sir Coxsone qu’il retrouve en 1968, …).
C’est à cette époque qu’Alton Ellis enregistra ses plus beaux titres Rocksteady, dont le morceau considéré comme le premier du style : Get Ready, Rocksteady, et les sublimes : Dance Crasher, La La Means I Love You, Willow Tree…
Il était parfois accompagné du groupe The Flames. « Dans la façon dont on travaillait, il n'y avait rien d'officiel en matière de paperasse, tu venais chanter ta chanson et tu prenais ton argent », précisait-il amer.
Les années 1960 furent jalonnées de succès pour Alton (I'm Still In Love, I'm Just A Guy), mais il était écœuré par le business musical jamaïcain qui ne le récompensait pas financièrement. « Il y avait de plus en plus de chanteurs. Dès que j'ai eu l'occasion de quitter la Jamaïque, je l'ai fait. Les artistes quittaient le pays parce que t'étais payé uniquement pour poser tes chansons, tu ne touchais pas de droits d'auteur, c'est pour ça que je suis parti moi aussi. »
Il s’installe définitivement en Angleterre dès 1973. Il y crée son propre label : All tone, avec lequel il réédite ses succès et grave quelques nouveaux morceaux. Alton Ellis enregistra plus de 250 titres et de nombreux duos, dont les plus mémorables sont ceux avec Phylis Dyllon et avec sa sœur : Hortense Ellis.
Il fit son grand retour en JA au début des années 1980 au festival jamaïcain Reggae SunSplash et enregistra un dernier titre pour Sir Coxsone en 1991 : Man From Studio One. En 2002, il enregistre son premier live avec l’excellent groupe bordelais de ska : ASPO (Alton Ellis Live With ASPO: Workin’ On A Groovy Thing). C’est par ce même groupe qu’il sera backé pour une tournée mémorable en France. En 2006, Alton Ellis est récompensé pour sa carrière lors de la 25e cérémonie de l’IRAWMA (International Reggae And World Music Awards) à l'Apollo Theater de New York.
Le chanteur continuait de tourner malgré la maladie. Comme l’a déclaré son agent après sa mort, la vie d’Alton était la musique et la scène. Sur la fin, il était souvent accompagné sur scène par son fils Christopher. Alton Ellis n’était pas qu’un simple précurseur du reggae. C’est l’artiste qui a donné ses lettres de noblesse au rocksteady avec sa magnifique voix soul qui mérite amplement la comparaison avec celles des artistes américains qu’il écoutait et chantait pendant son adolescence : Nat King Cole, Franck Sinatra, Louis Jordan…
Il suffit d’écouter son album Mr Soul of Jamaica pour en être convaincu. Alton confirmait d’ailleurs cette proximité artistique : « Nous avons vraiment été inspirés par la Soul, les sound-systems jouaient les titres de Otis Redding, Sam Cooke (...) J'ai d'ailleurs commencé à chanter en imitant Sam Cooke, puis quand j'ai rejoint Eddie, on a commencé à créer notre propre style, à composer d'une manière plus jamaïcaine, mais l'influence de la soul music était toujours présente ».
Alton Ellis s’en est allé et avec lui, c’est un pan de l’histoire jamaïcaine qui s’éteint. Heureusement, il nous reste sa musique et ses innombrables titres. Reggae.fr souhaitait marquer le coup et vous propose ce soir de 20h à 22h sur Reggae.fr Webradio une sélection 100% consacrée à l'artiste.