Yaniss Odua & FNX - Interview croisée
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Yaniss Odua & FNX - Interview croisée

On découvrait le projet rare et singulier Mon Frère la semaine dernière, album mené en duo par Yaniss Odua et le jeune chanteur FNX. L'occasion était toute trouvée pour nous entretenir avec les deux artistes au sujet de cette collaboration intergénérationelle unique dans le paysage reggae dancehall français actuel. Mon Frère est disponible sur toutes les plateformes : https://baco.lnk.to/MonFrereAlbum

Reggae.fr : Yaniss, tu as découvert FNX alors qu’il n’avait que 14 ans. Qu’est-ce qui t’a interpellé chez lui à l’époque ?

Yaniss : J’ai tout de suite senti une énergie particulière. À 14 ans, il avait déjà une maturité dans l’écriture, une vraie sincérité, et surtout une envie de dire quelque chose. Il ne cherchait pas à copier qui que ce soit, il venait avec ses mots, son vécu, son style. Et puis humainement, il dégageait une vraie écoute, une humilité qui m’ont touché. J’ai eu envie de l’accompagner, de lui ouvrir un peu le chemin comme d’autres l’ont fait pour moi à mes débuts.

FNX, comment as-tu vécu cette rencontre avec Yaniss et l’évolution de votre relation jusqu’à cet album commun ?
FNX : Une très belle rencontre, assez folle et inattendue. Yaniss a toujours été mon artiste préféré, une grande source d’inspiration. En plus d’être très talentueux, il sait trouver les mots, encourager… C’est devenu un grand frère avec le temps. On a une relation sincère et fusionnelle. C’est un honneur de pouvoir grandir à ses côtés !



Le titre de l’album, Mon Frère, reflète-t-il cette relation particulière entre vous ?
Yaniss : Complètement. Ce n’est pas un mot qu’on utilise à la légère. Avec FNX, il y a une vraie relation de confiance, de respect mutuel et d’affection. Le titre résume bien ce lien : on partage la musique, mais aussi des valeurs, des discussions profondes et des moments de vie. On a avancé ensemble, chacun avec sa force, et c’est ce qui fait que cet album sonne aussi vrai.
FNX : Totalement. On a collaboré pour la première fois sur le titre Ready Now. À ce moment-là, j’avais l’âge qu’il avait quand il a commencé la musique. C’est peut-être un signe. Le titre Mon Frère nous a donc paru logique, car il reflète parfaitement notre relation incroyable.

FNX, tu as 19 ans et développes plusieurs projets, musicaux, sportifs et autres. Peux-tu te présenter et présenter ces projets ?
FNX : Je m’appelle Kylian Lopez, j’ai 19 ans et j’ai pour objectif de devenir footballeur professionnel dans les années à venir. Je joue au foot depuis tout petit, mais j’ai malheureusement connu plusieurs blessures graves. C’est pendant ces périodes que ma passion – je dirais même mon amour – pour la musique est née. Elle m’a permis de me sentir vivant, plus que jamais.
Mon premier album est sorti le 13 juin, en collaboration avec mon artiste préféré, et je ne compte évidemment pas m’arrêter là. Ce n’est que le début, plein de belles choses arrivent !


Comment avez-vous abordé la création de cet album à deux voix ? Quelles ont été vos méthodes de travail ? Et en termes de production des riddims ?
Yaniss : À la base, je travaillais sur un album solo. On avait commencé à poser des maquettes autour de juin 2023. De son côté, FNX était à fond dans le foot, il venait d’intégrer l’équipe première de l’OGC Nice. Mais à la fin de l’été, il s’est blessé gravement aux ligaments croisés. Une blessure qui l’a tenu éloigné des terrains pendant plusieurs mois.
Il a décidé de profiter de ce moment-là pour revenir à la musique. Il nous a envoyé quelques maquettes, et en les écoutant, il y a eu comme une évidence. Plutôt que de continuer chacun de notre côté, on s’est dit : pourquoi ne pas faire un projet ensemble ?
On est donc partis de mes maquettes initiales, qu’on a retravaillées et enrichies avec ce que proposait FNX. Ensuite, on a composé d’autres morceaux directement ensemble, en studio.
En termes de production, on a travaillé avec le duo Elevation (Kahifa & Kevin Kayy), comme toujours, et Clive Hunt nous a également accompagnés sur plusieurs titres. Il y a eu un vrai équilibre entre ce qui était préparé à l’avance et ce qui est né de nos échanges sur le moment. C’est ce qui rend Mon Frère aussi vivant et cohérent.
FNX : La connexion entre Yaniss et moi est très forte. Sur les thèmes et les lyrics, on s’est compris et entendus très rapidement. On a pu travailler dans le même studio à Salernes, écrire, faire les toplines, poser ensemble… Tout s’est fait très naturellement. Les riddims ont été composés presque sur mesure, et nos beatmakers Kahifa & Kevin Kayy (Elevation) sont extrêmement talentueux. C’est un vrai plaisir de bosser dans des conditions pareilles.

Le morceau J’veux du Love aborde les violences conjugales. Pourquoi avoir choisi d’en parler dans un morceau reggae ?
Yaniss : Parce que c’est un sujet qu’on ne peut plus ignorer. On vit dans un monde où beaucoup de choses sont banalisées, et la violence dans le couple en fait partie. On voulait en parler avec délicatesse, mais sans détour. Ce morceau, c’est un cri d’alerte, mais aussi un message d’espoir : sortir de ces situations, c’est possible. Et si la musique peut faire prendre conscience à certaines personnes, alors elle a déjà joué son rôle.
FNX : Justement parce que c’est un sujet trop peu traité. C’est un sujet grave, qui nous touche tous les deux, et qui ne devrait jamais être mis de côté. On voulait faire résonner ce message au maximum. Only love pour nos mères, nos sœurs, nos femmes en général.



One Love
et Vérité sont deux titres engagés. Quel message souhaitez-vous transmettre à travers eux ?

Yaniss : One Love, c’est un appel à l’unité, au respect, au vivre-ensemble. On l’a écrit dans une période où tout semble diviser. Quant à Vérité, c’est une réflexion sur le monde tel qu’il est, les dérives du pouvoir, l’argent roi… Mais toujours avec une volonté de faire bouger les choses. On n’est pas dans la plainte, on est dans l’action par la parole. Ce sont deux morceaux qui parlent à la fois au cœur et à la conscience.
FNX : One Love est un message de paix. Aujourd’hui, les injustices et la violence s’accumulent. Quand le monde semble instable, prôner la bienveillance, l’amour et l’entraide est, à mes yeux, la meilleure chose à faire.
Vérité – d’ailleurs un de mes morceaux préférés – est là pour alerter. Dans une société où l’argent prend toute la place, on est en quête de justice et d’égalité.

Qu’est-ce qui vous a inspiré le morceau Gangsta ?
Yaniss : On part souvent du principe que les gangsters, ce sont ceux qu’on voit dans les quartiers, ceux qui dealent ou vivent dans l’illégalité. Mais en vérité, les plus gros gangsters sont souvent bien plus haut placés.
Ce morceau, c’est un constat : ceux qui créent les lois sont parfois les premiers à les contourner. Les vrais gangsters, ce sont souvent certains politiciens ou dirigeants, qui manipulent les règles à leur avantage sans jamais rendre de comptes.
Musicalement, on est partis d’un classique jamaïcain qu’on aime beaucoup : Healing of the Nation de Jacob Miller. On avait envie d’en faire une adaptation à notre manière, avec une prod plus actuelle et des lyrics ancrés dans notre réalité.
FNX : On se disait que les vrais gangstas ne sont pas toujours ceux auxquels on pense. En se posant la question : “Qui sont les vrais gangstas de ce monde ?”, l’idée est venue naturellement.

Et le morceau Fille de joie ?
Yaniss : C’est un morceau que FNX a écrit seul, à partir d’un riddim roots signé Clive Hunt et Otmar Campbell. Il s’est essayé dessus sans directive particulière, et il nous a livré un texte fort, sensible, humain.
Il aborde la question des prostituées, des femmes trop souvent jugées, stigmatisées, sans qu’on prenne le temps de comprendre leur histoire. C’est une invitation à poser un autre regard, avec plus d’écoute, plus d’empathie.
On l’a gardé tel quel dans l’album, parce qu’il sonnait juste. C’est un des titres les plus touchants du projet, et ça montre aussi la capacité de FNX à aborder des sujets forts avec pudeur et sincérité.
FNX : La grande Édith Piaf, et sa chanson L’accordéoniste. J’ai toujours été attiré par les chansons d’époque. L’histoire qu’elle raconte ici m’a particulièrement touché, alors j’ai voulu la revisiter à ma manière.



L’album a été enregistré entre la France et la Jamaïque. Qu’est-ce que cette collaboration internationale a apporté au projet ?

Yaniss : Ça a apporté une âme. Travailler avec les musiciens de Kingston, avec Clive Hunt à la réalisation, c’est quelque chose de fort. Il y a une manière de jouer, une vibration, qui ne se remplace pas. Et en même temps, on a tout fait pour que ça reste notre son, avec notre identité.
C’est ce mélange entre enracinement et ouverture qui donne à l’album sa couleur.
FNX : C’est incroyable que nos chansons puissent naviguer entre ces deux pays, ces deux cultures. La base a été posée en France, et la petite touche en plus vient de l’expérience jamaïcaine. On a vraiment essayé de créer quelque chose de fort, d’authentique.

Mon Frère est-il un album destiné à un public spécifique ou souhaitez-vous toucher un public plus large ?
Yaniss : On l’a fait avec le cœur, donc il est pour tous ceux qui écoutent avec le leur. Peu importe l’âge, le style musical ou les origines.
FNX : Pour moi, c’est un album qui peut parler à tout le monde, aussi bien aux fans de reggae qu’aux autres. Les sujets sont variés, les flows, les lyrics et les riddims aussi. C’est ouvert et sincère.

FNX, qu’as-tu appris aux côtés de Yaniss, sur le plan musical comme humain ?
FNX : Yaniss m’a énormément appris, que ce soit sur les sonorités reggae, la manière de poser en studio ou sur scène. Et humainement, je pense que c’est l’une des plus belles personnes que j’ai rencontrées. Il m’inspire tous les jours.

Yaniss, qu’est-ce que cette collaboration t’a apporté en tant qu’artiste expérimenté ?
Yaniss : Une nouvelle énergie, vraiment. Travailler avec FNX m’a ramené cette envie de me réinventer, de sortir de ma zone de confort. Il a une manière d’écrire, de poser, qui est très directe, très ancrée. Et puis humainement, c’est un échange qui m’a nourri. J’ai peut-être apporté mon expérience, mais lui, il m’a poussé à me renouveler. C’est ça, le vrai partage artistique.

Une anecdote marquante sur la création de l’album ?
Yaniss : L’enregistrement de Like A Champion. FNX est entré en cabine et a balancé 24 mesures d’un coup, avec une telle intensité qu’on s’est tous regardés, choqués. Je me suis levé, inspiré, j’ai enchaîné le refrain en one-shot, sans réfléchir. C’était un moment fort, révélateur de notre dynamique.
FNX : Des moments comme ça, il y en a plein. Fous rires, nuits blanches, sessions intenses… Mon Frère, c’est tout ça à la fois.

En une phrase, comment décririez-vous l’album Mon Frère ?
Yaniss : Un album sincère, fait pour toucher l’âme autant que l’esprit.
FNX : Si je devais le faire en une phrase, je vous dirais qu’une ne me suffirait pas ! Plus sérieusement, Mon Frère n’est pas qu’un simple album. C’est un renouveau pour le reggae français, un passage de flambeau, une relation incroyable. Je vous invite vraiment à l’écouter !

Quels sont vos projets à venir ?
Yaniss : On va continuer à défendre Mon Frère sur scène, avec quelques dates un peu spéciales à venir. Il y a encore des clips qui arrivent aussi.
De mon côté, je travaille sur deux projets : un album en anglais, avec une vraie ouverture vers l’international, et un autre en français qui arrive aussi dans la foulée.
FNX, lui, a déjà son premier album solo prêt. On va continuer à le faire mûrir ensemble, mais il est déjà solide, et il sortira au printemps 2026.
Donc ce qu’on a lancé avec Mon Frère, c’est clairement une étape. Il y a encore beaucoup de belles choses à venir, chacun de notre côté et évidemment à nouveau ensemble.
FNX : Mon premier album solo est prêt, il sortira au printemps 2026. L’aventure ne fait que commencer.

FNX, tu as remporté le concours national d’éloquence en 2022. Quel rôle joue la parole dans ton projet artistique ?
FNX : Pour moi, les mots ont un vrai pouvoir. La parole permet de soigner, de libérer, de faire réfléchir. Ce concours d’éloquence m’a donné confiance, il m’a aussi permis de comprendre à quel point le message est important. Aujourd’hui, dans ma musique, je mets un point d’honneur à transmettre des textes sincères, forts, porteurs de sens.

Un dernier mot pour ceux qui vous suivent et qui vont découvrir l’album ?
Yaniss : Merci à toutes celles et ceux qui nous suivent depuis longtemps ou qui nous découvrent aujourd’hui. Cet album, on l’a fait avec toute notre âme. On espère qu’il vous touchera autant qu’il nous a portés pendant sa création.
FNX : Merci à vous de prendre le temps d’écouter, de ressentir, de partager. Mon Frère est une aventure humaine et musicale, et ce n’est que le début !


 

Par Propos recueillis pas LN
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