La Genèse d’une star :
Né en 1955, dans la fraicheur des collines de Mandeville en Jamaïque, Jacob « Killer » Miller sera élevé par sa mère, Joan Hashman, pendant les huit premières années de sa vie. Il ne connaît rien de son père à part son nom : Desmond Elliott ainsi que le pseudonyme, Sydney Elliott, qu’il a choisit, lorsqu’il décida de partir faire carrière dans la chanson en Angleterre. A l’âge de 8 ans, sa mère, ne pouvant lui offrir une éducation suffisante l’envoie chez ses grands-parents. C’est ainsi qu’il part pour Rousseau Road dans les quartiers des classes moyennes de Kingston. Avec ses différents amis il découvre la musique, en plein bouleversement sur l’île à cette époque là. Les studios et sound systems font résonner le ska dans toute la ville, le jeune Miller se presse, dès la sortie de l’école, pour aller écouter ses idoles
Dennis Brown Bob Andy,
Ken Boothe ou encore
Alton Ellis. Ces vibrations vont beaucoup influencer le jeune Miller, qui, avec quelques uns de ses amis et leurs instruments de fortunes reprennent les chansons qu’ils entendent dans la rue.
C’est à l’âge de treize ans, en 1968, que son ami
Al Campbell lui propose de le présenter au « Sir »
Coxsone Dodd. La voix du jeune chanteur séduit tout de suite le producteur qui lui donne sa chance et le fait enregistrer deux chansons : « Love Is a Message » et « My Girl Has Left Me ». Ce passage chez Studio One ainsi que l’enregistrement, peu de temps après, du titre écrit par The Cables, « What More Can I Do ? », chez, Bunny Lee, le conforte dans son choix de devenir chanteur.
« We a Rockers »
Cependant il ne réenregistrera pas pendant les six années suivantes, il continue son apprentissage de la vie sans pour autant arrêter de chanter.
Ce n’est qu’en 1974, grâce à sa rencontre avec
Augustus Pablo qu’il va à nouveau enregistrer en studio. A cette époque, et depuis plusieurs années, Augustus et son frère Gath sont à la tête d’un sound system nommé « Rockers Sound ». Le premier single de Miller les a beaucoup marqué, passant en boucle lors de leurs soirées.
Augustus Pablo proposera donc à
Jacob Miller d’enregistrer une nouvelle version du titre. Cette collaboration est déterminante pour la carrière de Miller ainsi que pour l’histoire de la musique jamaïcaine, ils amèneront le reggae dans des sphères encore jamais atteintes. Leur premier titre « Keep on Knocking » sortira du Dynamic Studio, sur le riddim Black Gun. Ce nouveau morceau permet au chanteur de connaître un réel succès dans toute la Jamaïque.
Les deux hommes ne se quitteront plus pendant les dix-huit mois suivants, produisant quelques-unes des plus belles perles de cette époque.
Jacob Miller, animé par sa foi grandissante écrit des textes de plus en plus spirituels. Ainsi verront le jour au cours de cette période des titres tels que « Who Say Jah No Dread » connu également sous le titre de « Too Much Commercialization of Rastafari », ou encore l’excellent « False Rasta ». On note également la chanson d’amour « Baby I Love You So » qui reste une référence en la matière. Les versions dub ne sont pas à omettre, produites par le maître en la matière,
King Tubby, elles sont le résultat d’une volonté de recherche musicale poussée à son maximum. Miller et Pablo ainsi que les autres membres du Rockers crew, (
Hugh Mundell, Delroy Williams, Jah Bull, Junior Reid) produiront ainsi quelques morceaux d’anthologies qui feront gagner le chanteur en assurance et en confiance en lui. Les derniers morceaux de cette incroyable série, Each one Teach one et Girl Pat sont les adieux du chanteur au Rockers Crew.
Inner Circle
En 1976 auréolé d’une popularité grandissante et souhaitant produire plus de disques (ce qui n’était pas la priorité d’
Augustus Pablo, qui privilégiait la qualité plutôt que la quantité),
Jacob Miller se tourne vers le groupe
Inner Circle créé en 1968 par les frères Lewis. Cette collaboration est un nouveau tournant dans la carrière du chanteur. Après « Blame it on the sun » enregistré lors de l’audition de Miller, le premier titre qu’ils enregistrent ensemble n’est autre que l’excellent « Tenement Yard », qui reste le plus gros succès du chanteur.
La jeunesse jamaïcaine se presse pour écouter les textes du « Killer » Miller. Les titres les plus marquants restent Take a lift, Forward Jah Jah Children ou encore love is the drug.
Grâce à ces différents morceaux
Inner Circle et
Jacob Miller seront remarqués par le label Capitol qui leur fera enregistrer l’album « Reggae Things », le premier pour Miller.
Ce disque sera suivi par un deuxième, l’année suivante, intitulé « Ready For The World »
Mais durant toute cette période il ne garde pas l’exclusivité à son groupe et enregistre également en solo pour Joe Gibbs quelques morceaux assez remarquables. On note par exemple Shakey Girl ou bien I’m a natty sur le riddim « soul rebel ».
La consécration
Le jeune Miller devient très vite populaire en Jamaïque, ce qui lui permet de participer au film « Rockers », incontournable pour tout amateur de reggae.
L’apogée de sa carrière et de son groupe
Inner Circle, arrive en 1978 lorsqu’ils sont retenus pour participer au « One Love Peace Concert » aux côtés de
Bob Marley. Ce dernier fait son grand retour sur l’île après son exil en Grande-Bretagne.
Durant son absence et pendant qu’il s’attèle à rendre son message le plus universel possible, c’est Miller qui le remplace au rang de star nationale.
Durant ce concert pour la paix, Miller et Marley exécutent tous les deux un geste fort de sens. Si Marley joint les mains des deux rivaux Seaga et Manley au dessus de sa tête, Miller, quant à lui, réunira celles de Claudie Massop et de Tony Welch, les chefs de deux gangs opposés.
Ces démonstrations de paix ne seront que symboliques, car les affrontements continueront à ravager l’île.
Cette soirée consacre véritablement Miller, il entamera ensuite une tournée avec
Inner Circle en Grande-Bretagne pour la sortie de l’album Everything is great. Les projets ne manquent pas suite au large succès obtenu dans toute l’Europe. Une tournée au Brésil avec son ami Marley ainsi que Steevie Wonder est même envisagée. Mais l’histoire se passera différemment puisqu’en mars 1980 il perd la vie au sommet de sa gloire, dans un terrible accident de voiture.
Triste période pour le reggae qui voit s’éteindre en deux ans deux de ces plus fervents représentants puisqu’en 1981
Bob Marley décède à son tour.