À La Réunion, les enfants quittent souvent la famille pour la métropole. Pour les études, le travail. Sika, elle, avait projeté de se former à la musicothérapie. Un moyen subtile de concilier étude et passion tout en rassurant ses proches. Son point de chute n’a pas été choisi au hasard, puisque l’artiste a choisi une ville ensoleillée, à savoir Montpellier. Cependant, cela ne fait pas tout. Elle revient régulièrement se ressourcer sur son île afin de ne pas couper trop radicalement avec ses racines, sa famille et ses amis.
Le cordon ne sera donc jamais vraiment rompu. La raison est simple : son inspiration vient de là-bas et elle compte bien s’abreuver encore de La Réunion pour nous transmettre ses messages et sa musique si singulière.
Sika ne force pas le maloya (équivalent du blues réunionnais) dans sa voix si reconnaissable. À la manière d’un Davy Sicard, Danyèl Waro, elle porte naturellement ce genre musical de caractère, insulaire, contestataire, qu’elle marie à la perfection avec d’autres styles, souvent remisés sur le banc des genres musicaux en marge, comme le dancehall Jamaïcain ou encore le Rap. La musique réunionnaise, c’était son quotidien, sa voix c’est son héritage. L’influence de
Sizzla,
Capleton, transpire dans ses morceaux, mais on y retrouve également des flows de rap old school et pas mal de variations de tempo, propre au mouvement urbain du moment. L’assemblage de technicité et de musicalité est prégnant chez Sika et elle s’en félicite, car c’est bien ce qui la caractérise. Quoi de plus technique que de chanter en rappant ? L’apanage des toasters jamaïcains (telle Lady Leshurr), jumelé à la langue française, au créole réunionnais, et à des punchlines bien ciselées, c’est ce que vous retrouverez dans ses morceaux. Son écriture est d’ailleurs très instinctive. Sa carrière a débuté avec des textes blindés de thèmes forts à une époque marquée notamment par des artistes comme Kaf Malbar. Le genre musical d’alors imposait aux musiciens de délivrer des messages, marquer l’auditoire par des textes engagés. Sika met un point d’honneur à conserver cela, en évitant de tomber dans une forme d’écriture qui pourrait être perçue comme moralisatrice. Elle parsème donc ses titres de pensées encourageantes, positives, sans pour autant cacher ses failles, sa part d’ombre et ses engagements profonds. On ne pourra jamais gommer son côté kickeuse, rebelle, prête à aller au front. Normal pour une jeune femme ayant dû faire son trou parmi une ribambelle d’artistes masculins dans les Sound Systems et Open Mics en tout genre. Être la meilleure était alors son leitmotiv et cette envie reste encore très palpable dans sa musique et son écriture. Sika n’en reste pas moins une personne festive, qui apprécie s’ambiancer et ambiancer les gens qui l’écoutent. Le Rap à son origine et les fêtes de quartiers aux Etats-Unis était un véritable exutoire, une source d’inspiration et un moyen d’oublier les tourments du quotidien, en dansant, en chantant et en partageant cette passion avec le plus grand nombre. Vous retrouverez ainsi ce non- calcul chez l’artiste et cet entrain musical avec une écriture caractéristique des plumes fines avides de bons mots.
Si vous souhaitez découvrir son univers à l’oreille, elle conseille naturellement les morceaux Crois Mwin ou encore Turn Over, qui proposent une architecture très dancehall “à l’ancienne”, sur laquelle elle chante, kicke et se présente en assumant son ambition non dissimulée : ramener son style et son île sur le devant de la scène. Ce qu’elle fera encore davantage à l'automne 2023 avec la sortie de son premier EP (7 titres) : « INTENSE »