Le groupe
Tryo est issu de la banlieue Sud de Paris. Au départ, il y a un groupe M’Panada formé par Guizmo et Manu. Le groupe est un habitué de la MJC de Fresnes où il vont rencontrer Christophe Mali. Ils partent en vacances dans les Pyrénées, à une vingtaine de potes, pour une randonnée qui va donner naissance au groupe
Tryo. Une guitare pour 19 mecs, l’ambiance est aux chansons au coin du feu, et ça plait à tout le monde, ils s’aperçoivent que leurs voix se mélangent bien. De retour à Fresnes il crée
Tryo : Manu (guitare, chant), Guizmo (guitare, chant), Mali (guitare, chant)…ça nous fait 3 guitares et 3 chants. 1995, ils montent leur petit répertoire et s’accordent autour d’un rythme entre skank reggae et accompagnement à la Brassens…Le point fort du groupe c’est sans aucun doute son message militant hyper explicite qui se rit du système et écorne régulièrement les politiques. Début 1996,
Tryo enflamme la Bretagne qui adopte le groupe. Le bouche-à-oreille fonctionne très bien et une série de concerts enchaîne. On les voit au Festival Barock de Dinan, au Théâtre des Jacobins, au Jardin des Plantes de Rennes ou encore au Printemps Celtes à la Villette. Entre août 1996 et janvier 1997,
Tryo élargit son périmètre et part en tournée en Vendée, en Bourgogne et repasse par la Bretagne. De toutes ces sessions Live va naître un album, à l’initiative de Bibou qui décide d’enregistrer le groupe sur DAT. Dans l’album, on trouve des prises studio réalisées en banlieue mais le tout est quasi intégralement enregistré live, à Fresnes ou en Bretagne. L’album sort en auto production à la fin de l’année 1997.
Tryo en distribue quelques 15 000 exemplaires en l’espace d’un an. Le nom de l’album est « Mamagubida » nom empruntant une syllabe de chacun de leur prénom. Surprise de l’album, le trio est devenu un quatuor grâce aux percussions de Daniel Bravo qui fera désormais partie du groupe.
Tryo propose une respiration, une grosse bouffée d’oxygène pour s’évader un peu du béton qui nous entoure sans rien oublier pour autant. Ils se sentent proches des rappeurs comme NTM, c’est ce que Guizmo confie dans le bouquin « Tendance Rasta » de L.Lavige :
« Nous venons des mêmes quartiers, sauf que nous avons décidé de parler des mêmes choses avec des notes et harmonies plus légères, moins violentes, qui sont une autre forme de combat (....) Nous dénonçons les mêmes choses que les groupes de rap mais avec une arme différente, la fête et le reggae sans le côté mystique de ce mouvement ». Les morceaux les plus engagés sont « La Révolution », « Suprématie » ou « Regardez les », « La misère d’en face ». Critiques et conscients,
Tryo vise juste et devient le groupe le plus écouté dans les locaux associatifs français. La position, clairement de gauche, est au service de l’écologie (L’hymne de nos campagnes), des rapports humains (Yakamonéyé), de la solidarité et de l’anti-mondialisation. A la fin 1998, ils signent un contrat, choisissant un "petit" label : Yelen Musiques (Columbia/Sony) , insistant sur le côté indépendant de leur activité. « Mamagubida », réédité se vend comme des p’tits pains et donnera au groupe un album de platine (300 000 exemplaires) en 1999. A la fin de « Mamagubida » en track fantôme, on trouve une sorte de bêtisier des prises studios…plutôt hilarant qui nous fait comprendre l’état d’esprit de cette bande de potes qui se fait photographier, attablée devant une assiette de patates !
Tryo crée sa structure : Salut Ô Productions (SARL) et sort son deuxième album, très attendu en 2000. « Faut qu’ils s’activent…» est différent et beaucoup moins acoustique que le premier. C’est une sorte de suite à « Mamagubida », on retrouve des morceaux engagés (Con par raison, Les Extrêmes, La Lumière), des morceaux zen (La mer), des critiques sociales (Paris), des tranches de vie (J’ai trouvé des amis, Ca y est c’est fait)…
Tryo est très fort pour emmener le public dans l’intimité du groupe. « Faut qu’ils s’activent… » s’achève sur une version live de « La Lumière » qui dénonce la police et entre autre « Chirac qui vend ses pommes sous le regard de Clinton », le morceau finit sur Salut Ô, enchaîné à une instru qui n’a plus grand chose de reggae.
Les concerts de
Tryo sont tout d’abord un décor. Parasols, plantes, palmiers partagent la scène avec eux.
Tryo est-il un groupe de reggae, de reggae français, de chanson française ? Difficile à mettre dans une case c’est sûr. Le fait est qu’ils ont participé au Garance Reggae Festival en 1999 et il faut reconnaître qu’entre
LKJ et les
Gladiators, ils ont eu du mal à ne pas assoupir les 17 000 personnes de Bercy. Ce n’était sûrement pas le meilleur public et le meilleur endroit pour le groupe, même s’il chante que "C’est du Roots" qu’il leur faut, le reggae qu’ils proposent est vraiment une rythmique personnelle et inspirée (de plus ou moins loin selon les titres) du reggae jamaïcain. Au niveau vocal, ils ont chacun leur spécialité. L’un sait prendre une voix de gorge pour se lancer dans un toast, l’autre ponctue dans les aigus, tandis que le troisième assure l’harmonie intermédiaire, le résultat est maîtrisé.
Tryo quitte la scène sur ces mots :« On vous respecte, soyez différents, ne changez rien… ».
En 2003 sort le troisième album, un « Grain de sable » dans le désert de la contestation,
Tryo le sait mais sait aussi qu’un grain de sable à lui tout seul peut enrayer la plus grosse des machines. Meilleur que le précédent à mon goût,
Tryo balance encore plus, avec un humour encore plus cynique. Ils reviennent côtoyer le reggae d’un peu plus près mais introduisent aussi des rythmiques et sonorités nouvelles, le cajon espagnol sur "Si la vie m’a mis là", la flûte de Pan sur "Ballade en forêt". Le mix est impeccable et donne la patate, on peut choisir les morceaux qui bougent ou se laisser aller à une écoute de salon. Au programme : actualité et combat de toujours : anti-mondialisation (G8), anti-ricain (Dans les Nuages), anti-politique, anti-conso de masse (Sortez-les), anti-tox-abuz (Apocalypticodramatik), anti-conformisme (Pas pareil) mais attention aux cuites quand même (Désolé pour hier soir).
Tryo a ouvert une nouvelle voie dans le reggae français, ils sont la voix d’une pensée alternative, trop peu représentée dans le reggae français. Leur carrière nous montre qu’au fur et à mesure ils s’investissent dans leurs combats. Musicalement, c’est un peu frustrant de ne pas entendre de basse. Je pense qu’ils prolongent les possibilités crédibles d’une nouvelle chanson française, ils apparaissaient d’ailleurs sur la toute dernière compil d’EMI (2004) « Rue des chansons » aux côtés d’artistes comme Arthur H, Jean-Louis Murat, Bénabar, les Têtes Raides avec qui ils s’entendent sûrement mieux que
LKJ ou les Gladiators….
http://www.tryo.com