Il est l’aîné des garçons, le premier à avoir sorti un album, le plus mûr de la vaste famille du king Bob. Ziggy Marley, 42 ans, a déjà une longue carrière derrière lui. Cinq Grammy Awards, des centaines de concerts donnés sur les cinq continents, des duos avec Sting, Donna Summer, Sean Paul et Taj Mahal, une quinzaine d’albums avec son groupe les Melody Makers.
Artiste solo depuis Dragonfly en 2003, Ziggy a ouvert depuis bien longtemps son reggae à d’autres influences musicales. Avec son quatrième album Wild And Free, c’est une nouvelle page glorieuse de son histoire qui s’écrit en lettres vert jaune rouge. Coproduit par Don Was, musicien versatile aussi bien capable de réaliser des albums pour Bob Dylan et les Rolling Stones que pour Al Green et Khaled, Wild And Free est joué par un gang de musiciens venus des quatre coins du globe. Le guitariste d’origine japonaise Takeshi Akimoto (Dry & Heavy), le bassiste américain Darryl Jones (Miles Davis), le batteur jamaïcain Carlton « Santa » Davis (Burning Spear, Jimmy Cliff), le clavier anglais James Poyser (The Roots, Erykah Badu, Mariah Carey). « On a vraiment bossé comme un groupe », insiste Ziggy. « On a répété les chansons pendant deux jours, et on a enregistré live en studio. C’était important pour moi, tant pis pour ceux qui me trouvent trop old school mais je voulais travailler comme ça pour capturer l’esprit de la musique. Et je voulais des musiciens venus d’horizons différents pour avoir un son à moi, ma vision du reggae ».
Dès l’intro, on retrouve l’esprit militant de Ziggy. « Wild And Free », qui donne son titre à l’album, est chanté en duo avec l’acteur Woody Harrelson et milite pour la légalisation de la marijuana. « On diabolise cette plante alors qu’elle sert à tant de choses différentes, on ment aux gens. Je veux stopper l’hypocrisie. Et Woody, qui est lui aussi un activiste, est surtout un sacré chanteur ! Devant un micro, il ne fait pas semblant ».
Parmi les autres invités du disque, on notera la présence du rappeur américain Heavy D, celui qui fit un featuring avec Michael Jackson sur la chanson « Jam ». Avec Ziggy, il pose un texte puissant sur « It ». « Je connais Heavy D depuis longtemps, il est d’origine jamaïcaine, et sa fille va à la même école que la mienne. On a discuté en les amenant à l’école, il est passé me voir en studio et il a commencé à rapper. J’ai apprécié son texte, et j’ai voulu l’inclure sur l’album ».
Il est un invité de ce disque qui a encore peu de pratique en studio : Abraham Selassie Robert Nesta Marley, qui ouvre « Welcome To The World » d’un cri tonitruant, n’était âgé que de dix minutes quand sa voix fut enregistrée. « C’est un Wailer ! Dans cette chanson qui lui est dédiée, j’ai voulu lui dire la vérité. J’ai envie que mes enfants grandissent dans la réalité, pas dans un rêve. Le monde dans lequel nous vivons n’est pas parfait, et c’est la prochaine génération qui doit le rendre meilleur. Elle devra se battre pour ça ».
« The Road Less Traveled » parle du courage nécessaire pour ne pas suivre les chemins de la facilité. Ziggy en profite pour évoquer son père, Bob Marley, comme il ne l’avait encore jamais fait. « Mon père avait beaucoup de femmes/Ma mère avait beaucoup de peine », dit-il au détour d’un couplet. « C’est la première fois que j’en parle ainsi dans ma musique, ça a été douloureux mais je suis un homme, un adulte, et je veux que mes lyrics parlent de la réalité. J’ai écrit cette chanson en solitaire, entouré d’esprits qui guidaient ma plume ».
Les autres morceaux sont tout aussi efficaces : le très funky « Forward To Love », l’hymne gospel rastafariste « Mmmm Mmmm », le roots reggae « Changes » auquel participe son fils aîné Daniel et l’auteur/productrice Linda Perry, « Personal Revolution » et son beat martial, le morceau écolo « Get Out Of Town » et sa guitare western. Et puis il y a « Elizabeth », morceau de bravoure qui vient conclure l’album sur une note politique, fustigeant la vanité et l’égoïsme du gouvernement. « Cette chanson, je l’ai écrite il y a quelques années, j’y parle de l’oncle Sam et de la reine Elizabeth, de la corruption du système politique ». Trente ans après la mort de son père, Ziggy confirme une fois de plus que l’héritage Marley est toujours vivant. « Mon père était très entouré, je suis plus discret. C’est pour ça que je vis d’une autre façon, comme je le raconte dans la chanson “The Road Less Traveled“. Il y avait toujours tout une cour autour de lui, j’ai connu ça, je l’ai vécu, mais j’ai fini par choisir de vivre autrement ».
Wild And Free est à coup sûr l’album le plus important de Ziggy Marley, un artiste solo qui allie avec grâce la maturité et l’inspiration, un reggaeman qui a imposé un prénom sans jamais se contenter du prestige de son nom.