Interview Leonard Dillon
interview Roots 13

Interview Leonard Dillon

Deux artistes Jamaïcains des early days : Cornell Campbell et Léonard Dillon (The Ethiopian) ont effectué une petite tournée commune au début de l’année 2007. Nous les avons rencontré en Février lors de leur passage au Comptoir des Arts Traditionnels (C.A.T) de Bordeaux. Même si le Backing Band qui les accompagnait n’était pas vraiment à la hauteur et même si c’est toujours décevant d’écouter du Ska avec des cuivres joués au synthé, ce fut un plaisir de retrouver ces deux pointures sur scène. Leonard Dillon (né en 1942 en Jamaïque à Portland) à commencé sa carrière en 1956 chez Coxsone pour qui il enregistra plusieurs mento signés Jack Sparrow (du nom du célèbre pirate des caraïbes). Il rencontre en 1966 Aston Morris et Stephen Taylor qui chantent dans la rue. Les trois hommes s’associent et créent le groupe The Ethiopians. Le trio devient très vite un duo puisqu’Aston Morris ne reste pas plus d’un an. Dillon et Taylor enregistreront près de 200 titres principalement pour Coxsone (Studio one) et Sonia pottinger (Gay Feet et High Note). Plusieurs de leurs morceaux ont été des Hits et ils connurent un grand succès en Jamaïque comme en Angleterre (sans en profiter financièrement, arnaqués par les producteurs). Parmi leur impressionnante discographie retenons les fabuleux No Naptism, What a fire, Pirate, Engine 54, Cool it amigo, Everything crash et l’inoubliable Train to Skaville qui fit et fait encore skanker plus d’un skinhead. Stephen Taylor est mort en 1975. Depuis Léonard Dillon n’a pas beaucoup enregistré mais il continue de tourner avec ses titres les plus célèbres et en enlevant un "s" à The Ethiopian. Il n’était pas passé en France depuis 1997. (voir aussi la bio de The ethiopians par West Indian). - A vos débuts vous avez été présenté par Bob Marley à Coxsone Dodd ? D’abord je suis parti de Portland pour aller à Kingston où j’ai rencontré Peter Tosh. Je lui ai chanté ma chanson. Cette nuit là nous sommes descendu sur la 2nd street et là j’ai rencontré Bunny et Bob. Peter leur a dit que j’avais des chansons. Il a joué de la guitare. A l’époque je ne savais pas jouer de guitare. Peter a joué de la guitare pour moi. Quand je suis reparti avec Peter, il m’a dit qu’il m’emmènerai au studio un autre jour. J’ai été présenté à Coxsone par ces trois frères : Bob, Bunny et Peter. - The Wailers. Yeah, sur les premiers enregistrements que j’ai fait il y avait la voix de Bob. - Avez-vous fait du backing vocal pour d’autres artistes ? Non, j’ai fait quelques chansons des Wailers avec eux. J’ai beaucoup appris à ce moment là. You know ? Bunny et Peter m’apprenaient beaucoup de choses sur les harmonies. - Quand vous avez formé The Ethiopians, avec Aston Morris et Stephen Taylor, vous avez enregistré tout de suite ? Well. A l’époque on ne pensait pas trop à ce que ça allait devenir. On était là dans l’ambiance pour faire de la musique, car à l’époque on ne gagnait pas d’argent. Le peu d’argent que j’ai eu, avec la première chanson que j’ai faite,…j’ai gagné…7 pounds et 10 cents. C’était vraiment très excitant d’enregistrer, d’être enregistré. En ce qui me concerne je savais que j’irais de l’avant car j’ai grandi dans une famille de musiciens. Mon grand-père était chef d’orchestre. Il pouvait tout jouer. Ma mère jouait l’instrument qui est le plus dur à jouer : la harpe. Mon père, mes parents avaient l’habitude de chanter en disant les notes « sol sol mi sol mi re do ». Ils lisaient les notes ce que je sais pas faire. Je fais à l’oreille. You know ? Je fais à l’écoute. Je ne sais pas lire les notes. You know ? - Vous n’avez pas été à l’Alpha School par exemple ? Non, non j’ai grandi dans une maison de rue. J’allais souvent à l’église. - Vous avez aussi travaillé pour Sonia Pottinger. Quelles étaient les différences de travail entre Coxsone et Pottinger ? Eh bien, il y avait une grosse différence (rires), une très grosse différence. A Studio One, c’était comme une cour de récréation. On apprenait beaucoup sur la musique. Sonia Pottinger, elle vous ouvrait les yeux sur le monde et sur les droits que vous avez comme artiste. Sonia Pottinger a vraiment fait ça pour moi. La première fois que j’ai été membre d’une record society, c’est Sonia qui m’en avait parlé. C’est elle qui a écrit la lettre, l’a signée et l’a envoyée en Angleterre pour me faire rentrer dans la society. You know ? Je la remercie pour ça. Mais tous les deux sont des arnaqueurs (rires). Excepté Sir JJ, c’est le meilleur producteur avec lequel j’ai travaillé. Lui il vous payait vraiment. - En Jamaïque ? Oui le meilleur avec lequel j’ai travaillé en Jamaïque. Tous les autres… (rires). On fait de la musique parce qu’on aime la musique mais à l’époque on ne gagnait pas d’argent car il n’y avait pas d’argent dans la musique. Quand je suis allé en Angleterre en 1967, j’ai appris certaines choses sur la musique et comment gagné sa vie avec. Alors quand je suis revenu en Jamaïque je suis allé chez Sir JJ, mon producteur. Je lui ai dit d’aller en Angleterre et de voir les bonnes choses dans certaines compagnies comme PAMA records. You know ? La première compagnie d’enregistrement en Angleterre. - Quels artistes vous ont influencé au début de votre carrière ? Comme je l’ai dit je viens d’une église. You know ? J’allais danser et écouter des artistes. You know ? Quand je suis allé au studio, Bob venait juste de faire Simmer Down. Simmer Down a été faite le jeudi et j’ai fait mon premier enregistrement le lundi d’après. J’adorais chanter ce que je chantais à l’école car chaque samedi j’allais chanter à l’église. Quand vous entendez ma musique et que vous écoutez les paroles, ça parle d’amour et de joie. Tout ce qui concerne Jah. You know ? - Vous avez chanté tous les styles de musique Jamaïcaines, du Calypso au Roots reggae. Avez-vous une période favorite ? Oui, j’ai fait deux Calypso car j’étais déjà là à l’époque du BlueBeat. Beaucoup de gens ne savent pas ça : la musique vient du BlueBeat « ta ba tim ba tam ba tim ». Souvenez-vous de ça. On appellait ça le BlueBeat. Tous les producteurs utilisaient ce son même en Europe, en Angleterre. Ca a été la marque de fabrique du son Jamaïcain. C’est comme ça que l’on reconnaissait les morceaux jamaïcains. Mais le BlueBeat n’a pas duré. Après est venu le Ska, puis le Rocksteady et enfin le reggae. (ndlr : en Angleterre un label nommé Blue Beat, en hommage au premiers styles jamaïcains, diffusait principalement du Ska. Là bas, l’appellation Blue Beat, resta pour désigner plutôt le Ska). La musique a changé du BlueBeat jusqu’au reggae et j’étais là. Ce qui est important c’est d’aimer la musique même si les styles sont différents. J’ai suivi le changement. - Quand vous avez commencé vous utilisiez le nom de Jack Sparrow ? Oui c’était mon premier nom. Les premières chansons que j’ai faites : Suffering on the land, Beggars have no choice, Ice water, elles ont été apportées par les Wailers et une par Delroy Wilson. J’étais comme un explorateur de la musique, je voulais tout essayer. Un jour je suis allé au studio avec Peter (Tosh). J’ai chanté Leave my business alone, you know ? C’était du calypso et c’était bien, ça rendait bien, you know ? Mais c’était juste une envie, il faut faire ce que l’on a envie. Mais en ce qui me concerne c’est faire du reggae. On peut toucher à tout mais le reggae c’est la vraie musique, celle que je veux explorer et pousser vers l’avant. Comme je vous l’ai dit les styles de musique sont arrivés par étape alors quand le ska est arrivé, ça m’a inspiré pour faire Train to Skaville. You know ? C’est ce que disent les paroles : « maintenant on fait du ska alors montez dans ce train, ce train pour Skaville ». - Qu’est-ce que vous pensez de la nouvelle génération de chanteurs en Jamaïque ? La musique maintenant c’est une révolution. La vraie musique c’est les concerts. S’ils sont appréciés alors on doit faire avec eux. Ils ne sont peut-être pas ceux que l’on voudrait qu’ils soient mais ils sont acceptés par leur génération. Il faut juste être ce que l’on est et les laisser faire leur truc, you know, car ils sont acceptés par leur génération. Quand je suis sur des tournées je réalise que la jeune génération réagit à la early music dans tous les coins du monde. La vieille musique renaît et l’on peut adapter cette musique à aujourd’hui, mais on ne peut pas avoir la même ambiance, le même esprit. Moi je réalise moi même ma musique. C’est moi qui dis au bassiste quoi faire. Ma bouche joue en premier. Toutes mes mélodies sont d’abord dans ma tête. Quand j’arrivais au studio les musiciens me demandaient : « Qu’est-ce que tu as à l’esprit Sparrow ? », c’est mon surnom, you know. J’allais à la basse et je leur montrais ce qu’il fallait faire. J’ai fait plein de choses comme ça, you know ? J’aime le style Big Band. - La musique est importante pour vous ? Oui, j’adore la musique. La musique parcourt mes veines. Mon sang est fait de musique. J’ai 64 ans. C’est grâce à la musique que je suis toujours en forme. Je suis en train de penser à un nouvel album The ethiopian : go to Two Tone Ska (?). Alors préparez-vous pour ça. - En 2004 vous avez fait un tour d’Europe avec Max Roméo. Comment était-ce ? C’était bien, très bien. Un tour très excitant. Je suis allé dans beaucoup d’endroits. - Avez-vous déjà été en Afrique ? Non, je n’y suis jamais allé. Le seul endroit où je suis allé près de l’Afrique c’est…c’est quoi le nom…réunion, l’île de la Réunion. C’est un endroit merveilleux, le seul endroit où je suis allé et où la Jamaïque ne m’a pas manquée. Il y a tout là bas. Le seul truc que je n’ai pas trouvé c’est le fruit le Ackee mais sinon ils ont tout. Cette île c’est un volcan. Une personne m’a dit là bas que quand le volcan est en éruption tous les endroits sont dans le noir et on voit de la lave jaillir. Les flammes ça me fait peur mais c’est un très joli endroit. On m’avait donné de la bonne herbe (rires) mais j’ai dû la laisser là bas, ahhh… (rires).
Par Greg Wallet et Stéphanie Albon
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