Peter Tosh est toujours fortement présent dans les mémoires des amoureux du reggae. De Bushman à son fils, Andrew Tosh, ou encore Anthony B, nombreux sont les artistes qui le citent en exemple et reprennent ses hits sans vergogne. Il est important de rappeler la portée de son oeuvre musicale.
Ayant toujours été passionné par Peter Tosh, j'ai collectionné pendant des années des centaines d'artefacts (concerts audios, vidéos, tickets, photos, books, etc.) provenant de fans du monde entier. Commençant avec rien, si ce n’est la passion, j’ai eu la possibilité de faire grossir cette collection au gré de personnes charitables et tout aussi passionnées et bien sûr, parler avec des personnes l'ayant rencontré, côtoyé, interviewé. Parmi ceux-ci, Roger Steffens figure comme celui qui contribua fortement à mon intérêt pour cet artiste : Il me raconta nombre d'histoires que seul un homme enthousiaste, et proche de Peter, puisse communiquer avec une telle inspiration. Ils devinrent de grands amis au cours des années et ses interviews (publiées dans son livre Reggae Scrapbook) font office de références. J’ai donc voulu partager avec vous ces quelques vidéos en guise de rétrospective de sa carrière.
Dès ses premières apparitions avec The Wailing Wailers, le steppin' razor impressionnait par son aisance sur scène. A l'aise d'un point de vue musical (avec ses puissants riffs de guitare rythmique) Peter Tosh avait cette faculté à mobiliser son audience pour les causes qu'il défendait (légalisation, black culture, égalité). Ceci se conjuguait avec un style révolutionnaire. Loin des lyrics suaves propres au lovers rock style, son reggae sentait la poudre explosive. Cette poudre même qu'il chargeait dans sa guitare AK-47 à la fin de la tournée Mama Africa (82-83). La fidélité et le respect de ses engagements personnels l'empêchaient d'honorer, certaines fois, des engagements d'ordre professionnel tout en, paradoxalement s’exposant à ce qu’il avait appelé Babylon Queendom. Après sa rupture avec les Wailers, Peter a sorti un album qui a marqué le monde du reggae, le dressant comme un grand défenseur de la légalisation. Interdit en Jamaïque, le titre Legalize It est un incontournable lorsque l'on aborde le sujet aujourd‘hui. Sur l'album du même nom, se trouve le fantastique Igziabeher (Let Jah Praised). Rasta convaincu, Peter nous livre un magnifique titre où se côtoyent des pianos psychédéliques et des rythmes de guitare entrainants.
Peter Tosh n'était pas seulement un révolutionnaire et savait écrire des chansons plus positives. Il adorait dire que l'important dans la vie était de regarder vers le futur et ne jamais se retourner (Walk And Don't Look Back qu'il reprit aux Temptations). Après son concert au One Love Peace Concert en 1978, la signature avec le label des Rolling Stones l'avait inspiré et conforté dans son désir de notoriété. Cette année-là, il faisait sa première apparition à Paris, en décembre lors d‘une tournée européenne. Traitant de la pauvreté, qu'il a personnellement connue, Pick Myself Up invite à une méditation personnelle :
En juin-juillet 1979 lors du Mystic Man tour, dont est issue la vidéo précédente, Peter Tosh s’arrêta au Palais des Sports de Paris le 6 juin, et le 8 à Lyon. La sortie de son album Wanted Dread and Alive fut étouffée par la mort, le 11 mai 1981, de l'illustre Bob Marley. Sa tournée européenne a été l'occasion de le voir s'arrêter en France (à Pantin en juin dans un énorme chapiteau plein à craquer, mais également à Grenoble, Toulouse, Lyon, etc.) et son passage parisien fut l'objet d'une couverture média sur TF1 avec la diffusion d'une interview. Ce document qui dure 3 minutes est surtout orienté sur la mort de Bob. Malheureusement, aucun extrait de son concert. Cette tournée européenne a surtout été marquée par la
séparation de ses bassiste et batteur, Sly & Robbie, ainsi que de son guitariste Mikey Chung, qui rejoignirent Black Uhuru la même année. Une formation, basée sur les Soul Syndicate (avec Fully Fullwood entre autres), le rejoignit pour sa tournée américaine. Une page était tournée. C’est également l’année où il se brouilla avec les Rolling Stones, allant jusqu’à détruire la résidence de Keith Richards en Jamaïque.
Succombant aux appels mercantiles des tv européennes qui pratiquaient le playback, Peter Tosh a sombré dans un style beaucoup plus approximatif, qui le mena à négliger l'aspect musical de sa carrière, laissant même son guitariste choisir certains morceaux de son futur album Mama Africa. Erreurs de management, désir de gloire qu'il ne voyait pas venir ("En quoi est-ce mal de dire qu'un homme est bon", disait-il lorsqu'il parlait de Johnny B Good), jalousie affichée envers son compagnon d'origine, énorme consommation de weed, ont mené le steppin razor à une impasse.
Certaines de ses apparitions en devenaient cocasses…
Alors que d’autres étaient beaucoup plus respectables.
Son album en demi-teinte, Mama Africa fut une nouvelle opportunité pour reprendre la route lors d’une tournée mondiale (Australie, Japon, Afrique, etc.). Un fan américain lui offrit une guitare en forme d’AK-47, ce qui lui valut d'être bloqué à la frontière allemande. Guitare qui, il y a quelques années, s'était retrouvée sur un site d’enchère pour un montant de départ de 10 000 dollars. Cette enchère fut finalement retirée. Son passage parisien lors de cette tournée rassembla plus de 2 000 personnes à l'Espace Balard. Ce 4 octobre 1983, une équipe de TF1, avec Patrice Drevet (oui, l'ancien présentateur météo!), couvrit médiatiquement l'évènement et un reportage fut diffusé sur la chaine.
On y apprend que par respect pour ses engagements, militants, il refusa de poser ses pieds en Israël qui vendait des armes au régime de l'apartheid, l'Afrique du Sud. Coût de cette annulation, 80 000 dollars !
La dernière fois que Peter Tosh monta sur scène fut lors du Pulse Starjam, le 31 décembre 1983 pour un concert exceptionnel. Il reprit des hits qu'il n'avait plus l'habitude de faire (comme si par intuition, il savait que c'était la dernière) tels Apartheid et You Can't Blame The Youth.
Le steppin razor mit sa carrière entre parenthèse après 1983. EMI lui prêta de l'argent pour son futur album, l'excellent No Nuclear War, et ne voyant rien venir, ils portèrent plainte. En réalité, Peter Tosh était très mécontent de sa maison de disque et de la façon dont elle faisait sa promotion.
En effet, à la sortie de la vidéo Captured Live en 1984, celle-ci n’a qu’une diffusion limitée. Ce que Peter Tosh dénonce lors conférence de presse à New York le 4 mai 1986. Nous sommes un an avant sa mort.
Le 11 septembre 1987, Peter Tosh se fait assassiner chez lui, alors que sortait son nouvel album. Les motifs n’ont jamais été clairement établis. Le reggae a perdu l’un de ses plus grands représentants, à l’aube d’une tournée mondiale avec Black Uhuru qui devait durer 2 ans. Au lendemain de sa mort, quelques chaînes diffusèrent des reportages. Sky Channel, au Canada, a fait un super travail où l'on voit Peter en interview, sur scène, en acoustique, ceci entre 1979 et 1983.