L’Angleterre est souvent surnommée la « marraine du ska ». Cela en référence à la période du ska revival (1978-1985) qui a vu naître plusieurs groupes ayant remis au goût du jour la musique ska (The Specials, Madness, The Bad Manners, The selecters,…). C’est aussi parce-qu’elle a grandement participé à la diffusion de la musique jamaïcaine en Europe dans les années 60 et 70.
En ce weekend durant lequel se déroule Carnaval de Notting Hill à Londres, voici notre dossier spécial From Kingston to London :
Dès l’apparition du ska en Jamaïque il existe une demande pour ce son en Angleterre. Elle provient principalement des immigrés « West Indians ». On peut considérer le label Melodic comme le premier label anglais de « West Indies Music ». Ce label, spécialisé en musique black, est un sous label de Decca. En 1960, Decca en crée d’autres vraiment spécialisés en musique jamaïcaine : Melodisc’s Blue Beat et Kalypso. Le label de jazz Esquire en lance aussi un : Starlite. Les premiers artistes y sont Laurel Aïtken, Wilfred Jackie Edwards, Higgs and Wilson…
Dès 1962, Blue Beat commence à dominer la production du ska en Angleterre. A tel point que beaucoup d’Anglais utilisent l’appellation « blue beat » pour désigner la musique ska. 1962, c’est aussi la date de la création du label Island Records de Chris Blackwell (producteur né à Londres qui lança la carrière de Bob Marley en Angleterre). Il y a également les majors, qui se contentent la plupart du temps d’importer des disques directement sortis en Jamaïque. Ces galettes pouvent alors s’acheter dans des shops spécialisés en produits antillais et notamment en afro cosmétiques.
Dès 1966, le tempo du Ska devient plus lent pour donner naissance au rocksteady. Ce ralentissement aurait été demandé par les danseurs, qui n’arrivaient pas à suivre le rythme pendant l’été 66 qui fut très chaud. En Angleterre on écoute encore et surtout du ska. Cinq labels se démarquent alors : Island, Dr Bird, Rio, R & B’s et Blue Beat. Puis deux autres labels apparaissent Trojan / B&C et PAMA.
Il apparait alors une véritable profusion de labels. Pour un même label, il pouvait y avoir différents producteurs (qui avaient eux-mêmes leur propres labels…). Cela explique qu’un même titre pouvait être édités sous plusieurs labels. Il y a aussi le fait que des petits labels étaient rachetés par d’autres (c’est par exemple le cas de Clandisc, Explosion et Song Bird qui furent rachetés en 1969 par Trojan). Trojan était en fait le surnom du producteur jamaïcain Duke Reid et le nom de son sound system. Il lui fut donné en référence au camion Trojan qu’il utilisait pour transporter son matériel de dance floor en dance floor. Le Duke créa même en Jamaïque un label Trojan consacré au rocksteady. Il existe donc des 45 tours Trojan jamaïcains (sur ces vinyles deux taureaux entourent le logo Trojan surmonté d’une couronne).
En 1967, Chris Blackwell et Lee Gopthal décident de créer un sous-label de Island qui serait principalement dédié aux productions de Duke Reid (Treasure Isle). Ils reprennent alors le nom Trojan et ce label devient indépendant en 1968.
Plusieurs titres sortis par Trojan / B&C rencontrent un énorme succès. Elle devient très vite la compagnie leader en diffusion de musique jamaïcaine. Elle possède une trentaine de labels différents (Ackee, Dragon, Duke Reid, Explosion, Coxsone UK, Black Swan, Jackpot,…) et son nom devient synonyme du mot reggae. Plusieurs de ses titres sont des hits : Tighten Up par The Untouchables, Fattie Fattie par Clancy Eccles, Sweet Sensation par The Melodians, Skinhead Moonstomp par Symarip, Barbwire par Nora Dean, Monkey Man par The Maytals, Train to Skaville par The Ethiopians, Return of Django par The Upsetters…
Mais au début des années 1970, le early reggae laisse peu à peu place à un reggae au rythme plus lent et à la basse lourde. C’est l’arrivée du roots reggae. Beaucoup moins de titres sont alors produits chez Trojan qui est vendu en 1975 à la compagnie Saga.
Pama, quant à elle, est créée en 1967 par les frères Palmer. Initialement cette compagnie était consacrée à la soul américaine. Puis en 1968 les deux frères se spécialisent dans la musique jamaïcaine en association avec Bunny Lee. Pama devient très vite un sérieux rival pour Trojan, grâce à des succès tel que celui obtenu par Max Romeo avec Wet Dream.
Pama c’est aussi : C.N. Express par Clancy Eccles, Push It Up par The Termites, Birth Control par Lloyd Tyrell, Skinhead Shuffle par The Mohawks, Send Me Some Loving et Man On Moon par Derrick Morgan, Save the Last Dance par Laurel Aïtken,… Comme Trojan, Pama possède à l'époque plusieurs sous labels : Bullet, Camel, Escort, Nu-Beat, Unity, Punch,…
Malgré tout, Trojan domine et cela peut s’expliquer par les arrangements orchestraux qui sont effectués sur les productions Jamaïcaines. Ces arrangements permettent de toucher un plus large publique et pas seulement les fans de West Indies music que sont alors les Rude Boys et les Skinheads.
D'autres labels ont contribué à la diffusion de la musique jamaïcaine dans ces années là. Bamboo était consacré aux productions de Coxsone Dodd (autrement dit de Studio One). Dodd donna à Junior Lincoln (ancien « boss » d’un sound system en Jamaïque) le droit d’exploiter en Angleterre les productions Studio One. Dodd créa ce label car il n’était pas vraiment satisfait des labels anglais Coxsone et Studio One qui reprenaient ses titres mais qui étaient dirigés par Trojan. Bamboo a produit 70 titres entre 1969 et 1972, dont la plupart sont du funky reggae (influence de jazz et de soul). Elle sortit entre autres : Dark of the Moon par Jackie Mitto, My Whole World is Famming Down par Ken Parker, Doctor Sappa Too par Sound Dimension, Better Example par Alton Ellis, Moon Rock par Laurel Aïtken. Ackee, Ashanti et Banana était des sous labels de Bamboo.
Et pour les diggers, on finit par quelques autres labels indépendants qui produirent également d’excellents titres :
- DR BIRD GROUP (racheté par Trojan en 1970) qui comprenait Attack, Pyramid, Dr Bird, J-J ;
- MELODISC (DECCA) avec ses sous divisions : Blus Beat spécialisé dans le Ska, FAB, Kalypso et Prince Buster ;
- CREOLE fut un sous-label Trojan de 1970-71 puis il devenu indépendant et repris le très bon label Dynamic ;
- TORPEDO de Lambert Briscoe ;
- CACTUS ;
- JAGUAR.