Une rencontre avec les Jamaica All Stars est une véritable expérience. Du Calypso au Reggae, en passant par le Ska ou le Rock steady, ceux que l'on peut appeler les Papy Rastas transmettent avec fierté la diversité et la richesse de la musique de leur île. Quelques petits rappels s'imposent avant de vous retranscrire notre rencontre.
Le groupe est aujourd'hui composé de Winston « Sparrow » Martin, « Skully » Simms, Arthur « Bunny » Robinson et Vin Gordon. Le premier est le directeur musical de la fameuse Alpha Boy's school, un orphelinat qui accueillit des musiciens mythiques dont Feu Johnny "Dizzy" Moore (fondateur des Skatalites, ancien membre du Jamaica All Stars et un des premiers batteurs de Marley). Vin Gordon est le tromboniste le plus prolifique de l’île. Il est le compositeur de célèbres riddims repris à travers le monde par des centaines d‘artistes. Après avoir collaboré avec Bob Marley pendant 13 ans, il a joué et composé pour les plus grands (Burning Spear, Aswad, Max Roméo, Culture…).
Suivent Skully et Bunny, que nous avons eu la chance d'interviewer au printemps dernier. Skully fut tout simplement le premier artiste à enregistrer en Jamaïque en 1953. Le duo mythique qu’il formait avec Bunny fut un des pionniers du rhythm and blues jamaïcain. Chanteur, percussionniste et danseur, l’expérience de Skully impose le respect. Présent sur plus de 200 albums, aux côtés de the Upsetters, the Heptones, Peter Tosh, Big Youth ou encore Jimmy Cliff, il reste aujourd’hui une légende vivante !
Il a été parfois très difficile d'indiquer pour chacune des questions lequel de Bunny ou Skully nous répondait…car ils étaient assez enthousiastes et répondaient parfois en même temps!
Pouvez-vous présenter les Jamaica All Stars ?
Jamaica All Stars ce sont des artistes, formés et issus de l'Alpha Boys' School où il y a beaucoup de musiciens et de chanteurs.
Vous rappelez-vous de la première fois que vous avez joué en France ?
La première fois, il y a 13 ans, et partout ailleurs dans le monde depuis. Aujourd’hui sont réunis, les mêmes musiciens, les mêmes chanteurs également.
Et comment cela s'est-il passé hier soir à Colombes ?
Oui. C’était bien, vraiment très bien. On aime jouer devant ce public et devant tous les types de public d’ailleurs. Peu importe leur nationalité. Nous ne sommes pas effrayés à l'idée de jouer devant un public étranger.
"Rudies in Jail" est le nom de votre tournée, de même que celui du dernier album du groupe. Pourquoi ce titre ?
Vous savez pourquoi, parce qu’on vient de Trenchtown. Notre musique vient de là bas, elle est représentative de la large communauté de Trenchtown (appelée Trenchpen avant que bob Marley ne chante Trenchtown rock). Cet album vient des racines de la musique.
Vous vous êtes rencontrés très jeunes à l'école n'est-ce pas ?
Skully: Nous nous connaissions même avant l'école, même si c'est à l'école que nous avons commencé à chanter ensemble réellement. Mais comme beaucoup de jeunes de cette époque, on se connaissait de la rue, de Boys Town.
Bunny: Skully a commencé à chanter à l’église et moi à l’extérieur de l’église.
Quelle type de chansons chantiez-vous à vos débuts ?
Nous chantions des morceaux locaux, type calypso. Il n’y avait pas encore de RnB et de rocksteady. Notre premier tube, dans les années 50, était plus rhythm & blues...
Vous avez pas mal bossé avec Lascelles Perkins…Pouvez-vous nous en parler ?
Skully : Je ne sais pas s’il est encore vivant.
Bunny : je crois que si. Nous n’avons plus de nouvelles de lui depuis plusieurs années. Et notre mémoire flanche un peu... Aujourd’hui, il ne reste que nous deux. Tu sais nous sommes les deux artistes jamaicains ayant les plus longues carrières. Depuis le début des années 50 à ce jour. Nous sommes les premiers artistes jamaicains à avoir enregistré un morceau, morceau de R’nB. Nous sommes encore actifs et indivisibles.
Pouvez-vous nous parler du premier enregistrement d'un morceau en Jamaïque??
Premier enregistrement avec Baba Tuari dans le studio de Stanley Motta. Oui, c’est vrai qu’il ne nous a jamais payé pour cet enregistrement. Nous avons même fait l’enregistrement de deux de nos créations. Le titre de cet enregistrement est “Till the end of time”.
Vous avez aussi travaillé avec Mr Coxsone…
J’ai fait des tunes avec lui. Mais nous avons surtout fait des morceaux ensemble avec un objectif/message commun : I LOVE YOU.
Est-ce que c'est Count Ossie qui vous a appris les percussions?
Skully: Non, j’ai appris les percussions par moi-même. Je suis autodidacte, personne ne m’a enseigné d’instrument. Mais on a été et nous restons très proches…
Est-ce lui qui vous a guidé vers Rastafari ?
Skully: Non car je suis né Rastafari et j’ai grandi Rastafari…
Comment avez-vous vécu la révolution digitale en Jamaïque ?
Skully: Nous n’avons aucun problème avec les nouvelles technologies. Cela a aussi permis de faire évoluer la musique.
Quelle est la plus grosse difficulté que vous avez rencontré en devenant aveugle à l'âge de 50 ans?
Skully: Je ne pouvais plus me déplacer seul. J’ai donc utilisé le taxi, et le bus quand j’avais moins d’argent.
Dans vos titres des années 50 et 60, on sent pas mal de mélancolie…
Je ne sais pas pourquoi il semble y avoir tant de mélancolie. Je ne sais pas, c’est en moi.
Quelle est l'influence de toute votre histoire sur votre musique aujourd'hui?
Bunny : une bonne, une très bonne influence. Skully et moi avons évolué depuis nos débuts et nous l’avons bien fait. Et quand nous regardons le chemin parcouru, nous aimons ce que nous avons fait.
Quel est le message que vous souhaiteriez que le public se souvienne quand il pense à votre oeuvre?
Skully : Juste un message d’amour
Bunny : Amour et espoir
En tant que pionniers du RnB jamaïcain, cela a dû être incroyable de vous réunir à nouveau dans le cadre des Jamaïca All Stars...
Skully : Tout à fait, une super expérience.
Bunny: Si vous regardez des années 50-51 à ce jour, nous sommes les seuls à avoir faire cela dans l’industrie de la musique jamaïcaine. Nous sommes les premiers chanteurs de RNB grâce à Vere John et “Opportuny hours”.
Si vous deviez changer quelque chose à votre incroyable chemin et carrière, qu'est-ce que ce serait?
Skully : Plus d’amour, d’entente entre tous.
Bunny : Supprimer les mauvaises pensées ‘’One Love’’ comme disait Bob Marley.
Merci aux Zuluberlus pour leur aide à la réalisation de cette interview.
A noter, les Jamaica All Stars seront de retour en France en 2012 pour une tournée! On en profite pour vous faire partager leur dernier clip!
Jamaica all Stars - Rudies in jail-Feat Bunny... par MrKingsimon1