À quelques jours de la sortie du 11ème album de Danakil intitulé Rien ne se tait, et du retour du groupe sur la scène mythique de l'Olympia à Paris pour deux dates exceptionnelles ce samedi 4 septembre et le samedi 25 septembre, nous vous proposons un entretien avec Balik, chanteur lead de la formation. Il nous dit tout sur ce 13 titres qui sonne comme un vent de liberté après des mois difficiles pour le groupe et toute la filière musicale en général.
Vous pourrez vous procurer Rien ne se tait partout dès vendredi (en précommande ici). En attendant, on se pose avec Balik :
Reggae.fr : À quelques jours de la sortie de Rien ne se tait et de deux concerts à l'Olympia très attendus, comment vous sentez-vous ?
Balik : On se sent très bien, je pense qu’on profite du moment parce qu’on a attendu cette sortie d’album pendant longtemps, tout comme les retrouvailles avec le public et les sensations du live qu’on a retrouvé cet été. Les premiers shows nous ont gonflés à bloc et on arrive en pleine lancée à l’Olympia…
Presque tous les titres d'albums studios de Danakil font référence au "son" au sens large (dialogue, échos, ré[ai]sonnance), Rien ne se tait aussi, mais c'est à la terre et la nature que vous attribuez ici une forme d'expression et c'est un oiseau qui murmure cette fois à l'oreille d'un homme sur le visuel de l'album. Pourquoi avoir choisi ce titre pour nommer l'album ?
C’est un titre qui m’évoque différentes choses. D’abord il reflète à différents égards l’évolution de la société. Vous avez remarqué comme de nombreux secrets ou tabous ont changé de dimension et ont fini par se révéler ces dernières années sous le poids du temps, ou de la pression populaire ? Que ce soit dans l’église, dans les rapports hommes/femmes, dans la politique, etc… Ça nous dit que la vérité finit toujours par arriver. Et puis, rien ne se tait, tout se sait dans une société occidentale où tout est filmé et enregistré, société de l’information à outrance, où tout est rapporté, déformé, accentué par les réseaux sociaux notamment. Enfin, rien ne se tait, on partage tout, c’est un appel à la sincérité, à la bienveillance des uns envers les autres. Nous sommes tous liés d’une certaine façon, ce qui veut dire que la solidarité entre nous devrait être une évidence.
"Nos chansons sont un échange avec les gens, on essaie de les représenter"
Danakil a marqué le premier confinement avec la sortie du single Oublions, qui est apparu comme une vraie respiration sur le coup dans une ambiance générale d'enfermement inédite et de sidération. Pouvez-vous revenir sur ce titre et ce qu'il signifie pour vous ?
C’est le tout premier titre que nous avons composé sur l’album, la première pierre. J’ai écrit les paroles avant la période de la pandémie, et elle ont pourtant trouvé un écho particulier dans cette période difficile. L’idée de la chanson est de rappeler que les hommes ont fait beaucoup de grandes choses ensemble, et que leur expérience de l’humanité les rapproche au-delà de toutes les divisions. Il y a beaucoup de petites rancunes qui ouvrent sur de grandes divisions, pourtant je pense que certaines choses peuvent s’oublier, dans le respect et l’humilité, et que chacun peut pardonner plus qu’il ne le croit à l’autre.
Le titre Ensemble - découvert à l'occasion de la sortie du livre du même nom sur l'histoire de Danakil sorti il y a quelques mois - est bien sûr présent sur l'album. Ce morceau a un groove particulier, un peu jazz, pouvez-vous nous parler de sa composition et de son écriture ?
On l’a conçu comme la bande originale du livre. C’est un texte qui raconte la genèse du groupe et les première années sur la route, jusqu’à l’arrivée de Natty Jean en 2011. Au départ c’était plutôt rapé, ce qui nous a mis sur la voie d’une instru différente. Et puis au fur et à mesure le morceau a évolué vers son rendu final, et j’ai retravaillé les mélodies de chant en studio.
Balik tu as sorti un projet solo après La Rue Raisonne, qu'est ce cette expérience a changé dans ton travail avec le groupe sur Rien ne se tait ?
J’ai travaillé tellement différemment sur Parenthèse que je suis arrivé avec une certaine fraîcheur au moment de reprendre le travail avec Danakil. J’ai passé 2 ans la tête complètement ailleurs avec ce projet, dans un univers musical différent, et c’était vrai aussi pour mon quotidien où j’écoutais du rap du matin au soir. J’ai un peu fait l’impasse sur mes classics reggae pendant toute cette période, ce qui fait que quand je les ai remis en route ça m’a repris comme un jeune homme (rires) et je n’ai pas du tout souffert pour travailler sur l’album avec les gars.
On ne peut s'empêcher de te demander ton ressenti et l'histoire relative au featuring avec Akhenaton sur l'album, pour le morceau Tout ça m'est égal. Avais-tu essayé de lui proposer quelque chose sur ton album solo déjà ? Comment s'est déroulé cette collaboration ?
Ce n’était pas la première fois qu’on parlait de collaborer sur un morceau, mais cette fois-ci on est allé au bout. Je l’ai retrouvé le jour de la sortie de Parenthèse, le 13 septembre 2019 en Bretagne ou nous partagions l’affiche d’un même festival. Et c’est le soir après les shows, autour d’un café, qu’on a tapé dans la main pour de bon. J’espère que vous aimerez le résultat de ce morceau atypique sur lequel on entend Akhenaton chanter sur un riddim super roots, qu’il a lui-même choisi.
"L’idée de la chanson est de rappeler que les hommes ont fait beaucoup de grandes choses ensemble, et que leur expérience de l’humanité les rapproche au-delà de toutes les divisions."
Manjul fait aussi partie des featurings avec Life Goes On, peux-tu nous en parler ?
Ce featuring est le fruit de toutes nos collaborations scéniques au micro depuis qu’il est avec nous en tournée. Il a très vite pris l’habitude de nous rejoindre Natty Jean et moi sur différents morceaux du set. J’ai souvenir de sound systems qu’on a fait tous les 3 au micro aussi. Manjul est un excellent chanteur et il ne refuse jamais lorsque le micro lui est tendu. Il sortira très prochainement un album sur lequel vous l’entendrez encore chanter aux côtés de nombreux autres musiciens et artistes.
L'enregistrement de l'album a-t-il pu se faire ensemble physiquement avec tous les membres du groupe, compte tenu de la pandémie et quand bien même vous ne vivez pas tous sur le même continent ?
Oui nous avons pu nous organiser pour nous retrouver à plusieurs reprises en vase clos et répéter, puis enregistrer dans de bonnes conditions grâce au studio d’enregistrement de Baco Records à Bordeaux notamment.
L'écriture avec Natty Jean a-t-elle évolué au fil des années ?
L’écriture avec Natty Jean a toujours été assez instinctive, il n’y a pas de calcul. On s’assoit en face l’un de l’autre et on fait tourner le riddim, en échangeant sur les idées, le vocabulaire, on s’entraide pour finir telle phrase, changer telle rime.
"Rien ne se tait, on partage tout, c’est un appel à la sincérité, à la bienveillance des uns envers les autres."
Monde de fou, Marre, Rendez-vous la justice et d'autres morceaux sont autant de titres représentatifs de l'engagement de Danakil depuis 20 ans pour les droits et libertés. Le combat et l'inspiration sont-ils toujours les mêmes ?
Il y a pas mal de choses qui restent les mêmes dans le fond mais c’est la forme qui change, les générations passent et aujourd’hui nous ne sommes plus les étudiants mais les jeune parents, donc notre regard évolue, ainsi que notre forme d’action, mais on s’attache à passer le relai à la jeune génération. Nos chansons sont un échange avec les gens, on essaie de les représenter et aujourd’hui beaucoup d’entre nous ont besoin de se sentir représentés.
Danakil a déjà eu l'occasion de s'exprimer clairement sur ses réseaux au sujet du pass sanitaire. Que pensez-vous de la décision de quelques artistes (assez peu d'ailleurs) comme HK ou Keny Arkana de ne pas se produire en live là où le pass est exigé ?
C’est leur décision, et nous la respectons. A l’échelle d’un collectif comme le nôtre, on ne peut clairement pas se permettre de prendre la même décision, dont nous doutons sérieusement de l’impact. Nous ne pensons pas que s’arrêter du jour au lendemain puisse avoir un quelconque effet sur l’action gouvernementale, par contre cela nous réduirait au silence. Nous en avons parlé entre nous, et un consensus est vite arrivé pour repartir sur la route au plus vite.
Danakil fête ses 20 ans, qu'est ce qui vous manque justement par rapport à il y a 20 ans ?
Des cheveux.
Et qu'est-ce qui ne vous manque pas ?
Des boutons.
Un dernier mot pour les lecteurs de Reggae.fr ?
Merci pour la force.