Yaniss Odua - Grand entretien
Reggae français 16

Yaniss Odua - Grand entretien

22 Mai 2022

Yaniss Odua vient de sortir son album tant attendu Stay High (notre chronique ici). A cette occasion et à quelques jours de son concert évènement au Cabaret Sauvage à Paris le 9 juin, on vous propose un grand entretien avec l'artiste.

Reggae.fr Après 2 ans sans tourner, tu viens de retrouver ton public et les salles et tu t’apprêtes à réaliser une belle tournée pour la sortie de ton nouvel album Stay High. Comment vis-tu ces retrouvailles avec le live ?
Yaniss Odua : Ah ben ca fait du bien, vraiment beaucoup de bien même !! Les premières dates se passent à merveille, on sent que tout le monde avait besoin de se retrouver, que ce soit au sein du groupe comme au niveau du public. On avait hâte de pouvoir partager les nouveaux morceaux sur scène, ca fait chaud au coeur de voir l’accueil qui nous est réservé. Merci merci merci à tous ceux qui sont venus déjà sur la tournée, ça nous donne une énergie incroyable !
 
Stay High est sorti le 13 mai. Quelle est selon toi la principale différence entre cet album et les précédents ?
Je dirais que la principale différence par rapport à ce nouvel album réside dans la manière dont il a été réalisé. Habituellement, je créé les morceaux seul dans mon coin et une fois réalisés, je pars en studio pour les finaliser. Sur Stay High, on a travaillé différemment, je suis allé en résidence pendant plusieurs semaines dans le superbe studio de Victor Vagh (producteur de Flavia Coelho) dans le sud de la France, entouré de toute mon équipe, avec notamment Kahifa & Ayema qui ont composé la majorité des riddims de cet album, Tibz M avec qui nous avons écrit les nouveaux morceaux, Adam au son, Teranga mon manager et cerise sur le gateau, avec Bloody Lion mon selecta Artikal Sound qui est un cuisinier hors pair et qui nous a régalés pendant tout le séjour ! Du coup, le studio tournait H24, avec de nouveaux riddims, de nouveaux textes, de nouvelles mélodies, de nouveaux flows et tout cela, connecté en direct avec Clive Hunt en Jamaique qui ré-arrangeait et rejouait live les morceaux dès le lendemain depuis son studio à Kingston. Ça a engendré une vraie alchimie, chaque jour apportait son lot de surprises et de good vibes. Evidemment, en plus, il y a eu pas mal de passage au studio, Artikal Band bien sûr, mais également Reggae.Fr ;-) et plein d’autres proches qui sont venus nous voir, ce qui a apporté encore un enrichissement au projet !
 


Comment as-tu choisis ce titre ? Il s’agit d’ailleurs aussi du nom de notre morceau préféré de l’album. Te rappelles-tu quand tu as entendu pour la première fois ce riddim ?
C’est venu assez naturellement en fait. Cela fait des années que l’on nous explique que tout va mal, que c’est la crise, que rien de va… L’album a été enregistré avant et pendant le COVID, et ce que l’on essaye de faire passer comme message, c’est que NON, tout ne va pas mal et NON, on n'est pas obligé de subir leurs conneries et de se monter les uns contre les autres. Si tu coupes la TV et les réseaux, que tu sors de chez toi, en fait ça va pas si mal… Et même si c’est dur, il faut quand même rester positif et se battre pour améliorer les choses parce que personne ne va le faire à notre place. Il y a aussi beaucoup de solidarité dans ce monde et les exemples sont nombreux, nous sommes un grand nombre de personnes à penser différemment et bien plus que l’on ne veut nous le faire croire. Je croise tous les jours, sur la tournée et dans mon quotidien, un paquet de gens bien intentionnés qui œuvrent pour un monde meilleur. Stay High est devenu un leitmotiv et chaque fois que je sens que je bascule dans le négatif, souvent d’ailleurs pour des futilités, je me rappelle ce gimmick et j’essaye de transformer ça en positif ! #StayHigh
 
De manière générale, comment as-tu travaillé sur l’écriture des lyrics de l’album ? Je crois que tu as beaucoup collaboré avec Tibz M, lequel avait déjà écrit Refugee avec toi sur le précédent album. Raconte-nous. Comme réussit-il à capter tes ressentis sur différents sujets ?
Tibz M, je le connais depuis son plus jeune age. C’était mon voisin quand je suis arrivé de Martinique sur Paris à Noisy-Le-Sec en 1997, il avait 11 ans. Autant dire que ça fait un moment ! Il travaille maintenant dans l’humanitaire, je suis d’ailleurs allé chez lui quand il était au Mali, c’est vraiment quelqu’un d’authentique et d’engagé. A la base, il avait écrit ce texte de Refugee en se disant qu’il pourrait avoir une portée si je pouvais le chanter. Tout de suite, cela m’a inspiré et on a enchaîné sur d’autres morceaux, notamment également Ecoutez-Nous que nous avons fait avec Keny Arkana sur l’album précédent. Pour ce nouvel album, je lui ai donc demandé de venir participer à cette résidence et nous avons ainsi écrit ensemble tout l’album. Il a vraiment une belle plume et c’est un véritable plaisir de travailler à ses cotés ! Gros Gros Big Up Tibz M !!!
 
Au niveau des riddims, Kahifa et Ayema ont joué un grand rôle. Raconte-nous comment tu les as rencontrés et comme vous avez travaillé ensemble.
Alors pareil que Tibz M, même si ça fait quand même un peu moins longtemps, mais Kahifa, on se connaît depuis maintenant 15 ans. Il m’avait invité en 2007 à poser sur un morceau pour une association humanitaire avec Akhenaton, Sergent Garcia… Le riddim était vraiment bon et on est resté en contact. Quelques années plus tard, lorsque nous sommes partis en Jamaique pour enregistrer Moment Idéal, il est venu avec Ayema nous rejoindre et nous leur avons pris 2 riddims pour l’album (Rumbaton et Music Is My Life). Sur Nouvelle Donne, pareil, Kahifa nous a fait les riddims de Refugee et Ecoutez-Nous, sur lesquels Tibz M a écrit. Quelques mois avant l’enregistrement de ce nouvel album, ils m’ont envoyé des riddims, notamment celui de Stay High, et c’est donc tout naturellement que nous sommes partis ensemble sur cette résidence. Pour l’anecdote, ils ont pris l’habitude sur cette résidence de débarquer vers les 2h du matin dans le studio, pendant que j’enregistrais des voix, impatients de nous faire écouter leurs productions du jour. Et à chaque fois, on se retrouvait à finir à 6h, à remettre les riddims en boucle toute la nuit ! Pour moi, ils ont parfaitement compris le projet et nous ont fait du sur-mesure en amenant un son moderne avec le coté roots que l’on cherchait et que Clive a su sublimer en rejouant live ses arrangements ! #FutuRoots
 
Je profite de cet interview pour les remercier également en grand. Ils n’ont pas seulement composé les riddims, ils étaient là tout au long du processus de création de cet album, Kahifa a été très impliqué dans la réal et Ayema a mixé également des titres de l’album. Nuff Raspect la team !!

Comme tu le rappelais, Clive Hunt est présent sur tout l’album au niveau des instruments et des arrangements. Que représente t-il pour toi ?
Alors Clive, c’est vraiment incroyable d’avoir la chance de pouvoir travailler au quotidien avec cette légende de notre musique. Clive c’est le tailleur de diamant. Il a des idées de ouf à chaque fois, il ramène vraiment une originalité en plus sur les tracks, il a vraiment la science de la musique.
Cela fait maintenant 10 ans que nous travaillons ensemble et à chaque fois, pour chaque morceau, il me surprend toujours dans ses arrangements. L’album ne serait évidemment pas le même sans lui. Nous avons tout fait à distance cette fois-ci à cause des restrictions sanitaires qui nous ont empêchés de voyager mais on se connaît tellement avec Clive qu’il savait très bien ce qu’il avait à faire et nous étions quand même en contact tous les jours. J’ai vraiment hâte de repartir en Jamaique pour aller le check, c’est pour moi le BOSS du reggae, il a produit tellement de classiques qu’il est impossible de tous les citer. C’est vraiment un honneur d’avoir l’opportunité de l’avoir à mes cotés sur mes projets.
 
Comment définirais-tu ce futuroots que tu revendiques comme étant la couleur musicale de l’album ?
Et bien FutuRoots en fait au final c’est l’alliance du son moderne de Kahifa & Ayema, associé au son roots que Clive Hunt a rajouté dans les morceaux en faisant rejouer entre autres les drums & bass, les cuivres et autres intruments ainsi que les back vocals en Jamaique. Victor Vagh, Boris Arnoux et moi-même avons aussi composé des riddims pour cet album, également ré-arrangés par Clive, avec cette même direction artistique. Un son moderne avec des fondations roots !
 
Et qu’as-tu voulu exprimer avec Black Mirror ?
Black Mirror fait référence à la série, pour ceux qui connaissent (qui est d’ailleurs vraiment flippante), sur le futur qui pourrait nous attendre si nous continuons dans cette voie là. Il est vraiment important de prendre conscience de l’importance de se déconnecter des écrans. Les nouvelles technologies sont censées être une avancée et par certains aspects, c'est le cas. Mais il ne faut pas oublier pour autant l’essentiel et les vraies relations. Comme je le dis dans la chanson, il faut se déconnecter, pas passer à coté de ta vie et de tes frères, tu m’suis ?
Je pense que les réseaux sociaux ont pris une bien trop grande importance dans nos vies. A la base, il y a ce truc sympa de pouvoir partager des photos entre amis, mais derrière tout cela, ce sont maintenant toutes nos vies qui sont en ligne et j’hallucine de voir que les plus jeunes (mais pas que d’ailleurs) sont dans une course aux likes et au followers. Cela n’a aucun sens… Au final, les grands gagnants, ce sont les GAFA : nous ne sommes que des datas dans leur matrice… Mais nous avons le pouvoir de changer cela, tout simplement en nous déconnectant !


 
Qu’en est il du message de Embala La ?  à la vibe hip hop dub très marquée. 
Déjà, je passe tout de suite un gros gros Big Up à ma Sista Flavia Coelho et à Victor. Je les kiffe tellement tous les deux. Alors pour Embala La, nous étions au studio de Victor et nous avions depuis très longtemps avec Flavia l’envie de faire un morceau ensemble. Depuis 2012, pour être précis… C’était donc le moment idéal ;) Nous avons écouté des prods sur lesquelles Victor et Flavia bossaient ces temps-ci et quand nous avons entendu le Embala La, on a sauté au plafond ! On leur a demandé si ils étaient chauds pour partir sur ça pour le feat.  La suite, c’est une soirée mémorable qui restera gravée à tout jamais dans nos mémoires, d’autant que c’était l’anniversaire de Bloody. Quant au thème, c’est dans la continuité de l’album, un appel à la joie et à se libérer de nos problèmes quotidiens, ça tombait bien !
 
Un casting 4 étoiles partage des morceaux avec toi sur l’album : entre autres Kalash, Danakil, Dub Inc. As-tu pu enregistrer ensemble avec eux ou bien tout s’est fait à distance ? Qu’est ce que chacun de ces artistes t’inspire ?
Kalash, on se connaît depuis tout petit, cela fait un moment que nous voulions faire un titre ensemble. Kahifa & Ayema m’ont fait une prod lorsque nous étions en résidence, qui m’a immédiatement donné envie d’appeler Kalash pour poser avec moi dessus, et ca s’est donc fait tout ce qu’il y a de plus naturellement : je l’ai appelé et on s’est vu au Studio De La Seine sur Paris dans la foulée. On a fait le morceau en 1 nuit avec un maximum de vibes positives. C’était une ambiance très festive dans le studio. Je suis vraiment content pour Kalash du succès qu’il rencontre, c’est plus que mérité, il a un très gros potentiel et un vrai talent.
Danakil, ce sont mes frères de route et vraiment une équipe que je respecte et que j’apprécie du fond du coeur. Cela fait maintenant 10 ans que nous enchaînons les dates ensemble et que nous partageons de vrais moments. C’est une belle histoire. Du coup, comme pour Flavia et comme pour Kalash, cela faisait particulièrement longtemps que nous avions l’envie de faire un titre ensemble. Ca s’est donc fait au Baco Studio et ce fut également une journée mémorable tout comme la journée du clip que nous avons fait ensemble. C’est vraiment une affaire de famille, j’inclue d’ailleurs aussi toute l’équipe de Baco dans cette collaboration. Il y a un vrai esprit dans cette team et tous les artistes qui sont chez Baco savent ca, on aime vraiment se retrouver, passer du temps ensemble. On se connaît tous depuis longtemps, que ce soit au niveau des artistes mais aussi au niveau des équipes au bureau et c’est un vrai plaisir de pouvoir travailler dans ces conditions. J’en profite pour remercier l’equipe Booking qui a vraiment développé le projet pour nous emmener la où nous en sommes, ainsi que toutes les équipes de Baco Distrib pour le gros travail effectué pour la sortie de cet album.
Pour Dub Inc, j’ai envie de dire, c’est un peu pareil ! lol Ce sont des Bredgins que je cotoie depuis très longtemps. On se voit souvent et on s’apprécie vraiment humainement. J’avais envie sur cet album de me faire plaisir et d’inviter les gens avec qui justement cela faisait longtemps que nous aurions pu/du collaborer. Du coup, c’était logique de les inviter d’autant que Kahifa & Ayema m’avaient envoyé une prod que je trouvais vraiment adaptée à leur univers. Nous avons enregistré le titre chez eux à Saint-Etienne, dans leur studio. On a passé 3 jours ensemble et ca a été 3 jours de real good vibes. Pareil, une équipe vraiment au top, tous les musiciens du groupe se sont investis dans le morceau, on a vraiment bossé le truc ensemble, une très belle connexion.
A l’image de Danakil, les Dub Inc ont réussi à monter toute leur carrière en indé, sans TV ni Radio, et à force de travail et de la relation qu’ils ont tissée avec leurs fans, ils sont aujourd’hui des artistes beaucoup plus big que des artistes signés en major. Remplir des Zeniths en indé, c’est énorme et ca forge le respect !
Pour la petite histoire, les 3 feats se sont enregistrés la même semaine, autant vous dire que nous étions remplis d’énergie et ce fut une très belle semaine ! Nuff Raspect  Kalash, Danakil & Dub Inc, vraiment hâte que l’on se croise sur la route pour jouer les titres en LIVE !
 
Qu’est ce que tu écoutes de ton côté en ce moment ? Suis-tu la nouvelle génération jamaïcaine ? Et du côté africain aussi (je rappelle que Kelvyn Boy est présent sur l’album) ?
J’écoute beaucoup de sons différents. Du Roots evidemment (Jacob Miller, Culture, Peter Tosh, Burning Spear…), je suis un grand fan de Beres Hammond également, mais j’ecoute aussi beaucoup de Dancehall, beaucoup d’afro Nigeria Ghana (Kelvyn Boy, Black Sherif…). J’écoute aussi tout ce qui se fait dans la nouvelle génération Caraibe Mada Gwada, je pense par exemple à Bled Miki. Niveau Jamaïcain, j’aime beaucoup Keznamdi. Niveau artistes français, je trouve que Biga a vraiment trouvé sa voix et ramène un super univers dans ses productions depuis quelques années. Le dernier album de Danakil est également très très bon ! Il y a beaucoup de beaux projets qui sortent chaque semaine, avec du bon et du moins bon, mais en tout cas il y a du choix !!
 
Quelle est ton meilleur souvenir durant le processus de création et d’enregistrement de l’album ?
Très honnêtement, tout l’album a été incroyable dans son process de création, on a passé notre temps à rire (et à pleurer de rire!) et partager de vraies bonnes méditations. Difficile d’en extraire un seul parmi tout ce qu’il s’est passé. Allez, on va dire quand même, pour la magie des rencontres de la vie, je vais dire la connexion avec Kiki Lion. Un matin, je me lève, je descends dans le studio et je reçois un message d’un artiste que je ne connais pas et qui me dit qu’il me suit depuis longtemps, qu’il vient de faire 2 clips et qu’il aimerait mon avis dessus. Je prends le temps de cliquer et je découvre un jeune de 14 ans qui me rappelle vraiment moi à mes débuts. Je décide de l’appeler et l’invite à venir poser sur l’album. 2 jours après, il était dans le studio, et comment dire… Il m’a mis un peu (beaucoup!) la pression parce qu’il a littéralement plié le riddim…. Nous sommes devenus vraiment proches par la suite, c’est d’ailleurs lui qui joue mon rôle enfant dans le début du clip Destinée. Très très belle rencontre !
 
Et le pire ?
Le pire… Il n’y a pas eu de pire ! ;) A la limite, pour donner une réponse on va dire, même si il y a bien pire, que ca aura été de devoir décaler 4x la sortie de l’album et le lancement de la tournée… Mais bon, encore une fois, il y a nettement plus grave… #StayHigh
 
Si la musique n'était pas présente dans ta vie, que ferais tu comme métier ?
Je travaillerais avec des animaux, c’est une expérience que j’ai déjà effectuée dans le passé et que j’ai adoré. Je pense que je le referai d’ailleurs dans le futur, entre 2 albums et 2 tournées ;)
 
Un dernier message pour les lecteurs de Reggae.fr
Merci à toutes et à tous pour votre soutien sans faille depuis toutes ces années, je fête actuellement mes 30 ans de carrière et jamais, jamais, jamais je n’aurai imaginé pouvoir vivre le 1/100ème de ce que j’ai vécu. C’est grâce à vous, MERCI du fond du coeur !! Je vous donne RDV sur la route pour partager ce nouvel album en Live et en grand ! Merci Reggae.fr pour la confiance since the beginning !
STAY HIGH !!



Par Propos recueillis par LN
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