Doyen des festivals français, le Reggae Sun Ska fêtait cette année sa douzième édition. Et il est peu de dire que le public a répondu présent, l’assistance doublant pratiquement par rapport à l’année dernière. Il est loin le temps du premier festival organisé dans un hangar près de la mer à Montalivet (nous y étions déjà !). Et pourtant le Reggae Sun Ska a conservé une identité forte marquée par son éclectisme et son ouverture musicale à des styles proches et toujours enrichissant pour les oreilles des amateurs de bon son.
Cette année, le festival n’avait pas dérogé à la règle et mêlait (entre autres) habilement jeune garde du reggae français (Danakil, Datune), ambassadeur du reggae local (Yaniss Odua et Straïka D.), leader du reggae africain (Tiken Jah fakoly) ou du reggae allemand (Patrice), légendes du roots (Horace Andy, Inna Di Yar All Stars) et relève du reggae jamaïcain (Rootz Underground).
Voilà donc un petit aperçu (avant le montage vidéo) des moments que nous avons préférés.
VENDREDI 7 AOUT
DATUNE
Les vainqueurs français du contest européen de reggae organisé par le Rototom dans la catégorie Reggae-Dancehall français ont été une des très bonnes surprises du festival. Le groupe originaire de St-Etienne a proposé, grâce à ses 3 MCs aux lyrics enflammés, une prestation dynamique. Ils ont présenté leur premier album « Enfants du Siècle » et le public a bien réagi. Les deux jours de festival ne pouvaient pas mieux commencer.
TROJAN SOUND-SYSTEM
Le vétéran soundman Earl Gateshead a accueilli le public avec quelques mots en français et un look des plus comiques (petit short et chaussettes remontées jusqu’aux genoux, lunettes de soleil jaune poussin et bob). Il s’adresse au public en disant « Cissa Meudoc » (prononciation approximative) et est accompagné par le selecta Daddy Ad. Ils débutent leur set avec un titre deep roots de Hugh Mundell.
Les 2 MCs, Chuckie Banton et Superfour, entrent ensuite sur scène sur un magnifique a cappella. Ensemble, ils vont toaster sur les riddims les plus mythiques, à commencer par le Real Rock où ils entonnent les lyrics suivants : « We gonna mash up dis festival ». On a droit à leur terrible anthem « We a de Trojan »
Puis les 2 selectas nous passent quelques dubplates : « Lazer Beam » de Don Carlos ou encore une version mystique de « No no no » de Dawn Penn. Le show se termine avec un chant de Chuckie Banton et Superfour sur le Last War riddim.
Une prestation énorme qui fait plaisir. Dommage qu’ils ne jouent que 45 minutes. On les aurait préféré en inter-plateau voire en after.
INNA DE YARD
Les stars reggae roots de cette première journée avec une pléiade de légendes jamaïcaines accompagnées par la nouvelle génération.
Le show commence par un chant rasta « The Lion of Judah shall break every chain » avec Derajah et Linval Thompson au lead vocal. On aperçoit derrière Matthew McAnuff, Cedric Myton, Kiddus I et Alphonso Craig aux percus, Kush McAnuff à la batterie et Chinna Smith à la guitare. Les Viceroys eux, ne sont pas là, mais le show va être terrible. Il part pourtant doucement avec Chinna qui débute par deux morceaux dont le ganja hit « Mariwanna ».
C’est au tour de Derajah de débarquer pour réveiller tout le monde avec ses 2 titres « Well Ah Oh » et « Who Yeah Yah ». Le jeune bobo fournit une très belle prestation avec sa voix rauque caractéristique. Il confirme que la relève est assurée, la nouvelle génération est bien là.
On reste avec la nouvelle génération, et Matthew McAnuff qui n’interprétera qu’un titre, mais quel titre, son tube « Be Careful ». Le public s’enflamme pour ce morceau et le titre reçoit un pull up. Matthew a beaucoup progressé sur scène. Il a beaucoup plus d’assurance, il ne ressemble plus au jeune timide qu’on a pu voir aux premiers shows Inna De Yard. Il descend même de scène pour saluer ses fans de près. Il fait chanter un spectateur. L’assistance reprend les paroles par cœur. ENORME !
Ensuite, c’est le prince du rub a dub, Linval Thompson qui vient nous chanter 3 titres dont « Dreader than Dread » et « Jah guiding star ». Il a changé de morceaux par rapport au show du Cabaret Sauvage au mois d’avril. « Dreader tha dread » se finit en dub (version acoustique bien sûr) et le public réagit bien à cet effet surprenant.
Puis, c’est Cedric Myton qui clôture ce concert avec 2 titres : « Fisherman » et « Forever young ». « Fisherman » reçoit une très grosse ovation et est entonné par le public qui connaît bien les paroles. A son habitude, Cedric danse beaucoup, fait des mouvements très gracieux et pousse sa voix dans des hauteurs inimaginables.
Le show n’aura duré qu’une petite heure. On en aurait bien repris une heure de plus, mais c’est le principe du mode festival.
PATRICE
L’Allemand est la tête d’affiche de ce premier soir. Il nous fait un début de concert très funky/pop. Sa prestation scénique a évolué et est beaucoup moins axée reggae qu’il y a quelques années. Malgré tout, il est dans un festival reggae et il s’adapte.
Patrice va interpréter beaucoup de titres de son dernier album, « Freepatriation », et d’autres plus anciens comme « Murderer », « Up in my room » ou encore le génial « Soul storm ». Il annonce ensuite que le Shashamane band est dans une configuration spéciale ce soir : c’est le premier concert qu’ils font avec 2 claviers. Patrice s’amuse avec ses musiciens ; il fait le chef d’orchestre et montre au public sa maîtrise musicale.
Son show se termine sur un titre dancehall surprenant où il se la joue à la Bounty Killer en chantant avec une voix qu’on ne lui soupçonnait pas. Les fans de Patrice ont l’air ravi. Les fans de reggae roots un peu moins.
JAH AIR FORCE
L’hommage à Manutension fut l’un des grands moments du douzième Reggae Sun Ska. Empreint d’émotion, l’hommage musical fut vibrant et à la hauteur du vide que Manu laisse. La vie est vraiment trop courte et la scène dub pleure un de ses tout meilleurs représentants. Nos pensées vont évidemment à la famille et aux proches de cet artiste attachant et génial. « Rest in Peace Manu »
DANAKIL
En écoutant la réaction du public à l’annonce des Danakil, on se rend compte que c’est sont eux les artistes les plus attendus de la soirée.
Danakil commence avec des titres de son dernier album (Dialogue de sourds) comme « Samouraïs de l’occident » et « Les Vieillards ». Le public connaît les paroles par cœur et le chanteur lui-même n’en revient pas.
Il reconnaît que le festival a fait un beau cadeau au groupe en leur offrant la grande scène en dernier pour cette première soirée de festival : « Je connais les chiffres, vous êtes 18 000 ce soir et c’est un privilège pour nous d’être là. »
Après avoir joué quelques morceaux plus anciens, le chanteur annonce : « A soirée exceptionnelle, évènement exceptionnel, on vous offre une brand new tune ! »
Il commence à chanter et le groupe est vite rejoint par… Matthew Mcanuff à la surprise générale. Le featuring est époustouflant et on espère que le morceau figurera sur le prochain album du groupe.
La pression redescend un peu avec des titres comme « Les champs de roses » ou « Résistance », puis arrive la deuxième surprise de la soirée. Le groupe entonne son titre « Classical Option » et il est bien sûr rejoint par le chanteur anglais General Levy venu spécialement pour l’occasion. On aura droit à 2 titres avec le General. Le concert se termine sur une interprétation explosive de « Marley » chantée en cœur par l’ensemble du public.
Très bonne première soirée, très bien clôturée par le groupe français.
On rentre au camping et… surprise, on croise Calaloo sound system qui jouera sur le parking jusqu’au lendemain matin 11H.
SAMEDI 8 AOUT
COLLIE BUDDZ
Le New Kingston Band (tous des frères) monte sur scène accompagné d’un MC qui introduit le show. L’intro est longue, beaucoup trop longue (15 minutes d’intro pour un concert d’1 heure c’est abusé). Le MC lui est très content et il fait monter l’impatience des spectateurs : « When I say Collie, you say Buddz »
Collie arrive enfin sur scène sur 1 titre plutôt dynamique. Il est très classe avec veste de costard. Rapidement, les big tunes arrivent et le public semble tous les connaître :
« Let me know » (Kingdom riddim), « Mamacita » qui déclenche la folie chez les filles, « Issues » puis à partir de ce titre, le show prend une tournure plus calme. Collie Buddz a du mal à décoller et l’ambiance aussi. Il chante très bien, mais le show manque d’énergie.
Le duo avec le guitariste du New Kingston Band sur « No Woman no cry » ne parvient pas à faire monter la pression.
Heureusement, Collie clôture son set avec le big hit « Come Around » sur le last war riddim. Ovation ultime du public. Collie quitte la scène à la fin du morceau. Il reviendra pour un rappel sur « Blind to you » également bien accueilli par le public.
Le show manquait un peu d’énergie et fut un peu trop court. Mais ça a fait du bien d’entendre des big tunes comme celles du deejay originaire des Bermudes.
YANISS ODUA & STRAÏKA D.
C’est au tour de Yaniss Odua et Straika D. de monter sur scène et de donner une formidable prestation.
Après trois morceaux de AKA Koxx (dont la tuerie posée sur le Soprano riddim), la nouvelle bombe roots du label Legalize Hits, Yaniss Odua va littéralement mettre le feu au Reggae Sun Ska.
Il enchaîne ses meilleurs titres et le public chavire en reprenant en cœur l’incontournable « La Caraïbe ».
C’est ensuite au tour de Straika D. de réaliser une grande prestation. Les spectateurs ne s’attendaient pas à une telle déflagration et le public chavire sous les big tunes, épaté par la simplicité et le talent de ces artistes.
TIKEN JAH FAKOLY
Le griot ivoirien entre sur « Ca va faire mal ». L’accueil du public est impressionnant, ça donne des frissons. Visiblement, les gens sont là pour lui ce soir. Vêtu de sa grande tunique africaine, Tiken parcourt la scène de long en large en courant et en sautant. Sa gestuelle scénique nous rappelle Lucky Dube ou Peter Tosh lorsqu’il effectue des mouvements de karaté.
Le show est très axé sur le dernier album de Tiken : « Soldiers », « L’Africain », « Ouvrez les frontières », « Foly », « Viens voir ». On a tout de même droit à quelques chansons de « Coup de gueule » : « Alou Maye » et « Plus rien ne m’étonne ». Mais le reste des albums de Tiken semble oublié. Dommage. Il termine sur « Ouvrez les frontières » en n’oubliant pas de faire un petit discours pour expliquer qu’il ne souhaite pas inciter la jeunesse africaine à quitter leur continent.
Le public applaudit et demande un rappel sur « Africain à Paris » puis sur « Françafrique ». Au milieu de ce dernier morceau, il invite le fils de Pierpoljak qui vient nous interpréter une chanson très dynamique (à suivre !) puis Tiken termine comme à son habitude sur un final explosif en hurlant à plusieurs reprises « Blaguer Tuer ! »
ROOTZ UNDERGROUND
C’est leur 2ème concert en France après la date au Zénith le 7 mai dernier. La sensation roots du moment est donc très attendue. Le show démarre doucement. L’ambiance est mystique. Mais la montée en puissance arrive vite et une fois leur vitesse de croisière atteinte, les Rootz Underground ne la lâcheront pas.
Le chanteur, très charismatique, paraît totalement habité. Il secoue ses locks à la manière de Bob Marley et bouge énormément. Tout chez lui rappelle Robert Nesta, le look, les gestuelles et même la voix qui ressemble fortement aux voix des fils Marley. La ressemblance est troublante et on ne peut s’empêcher d’y penser du début à la fin du concert. Cela en dit long sur le charisme du chanteur.
Régulièrement, il lance en hurlant des « Cissac ça va ? », déclenchant des délires dans la foule. Certains spectateurs semblent entrer en transe avec le chanteur. Le show dégage une atmosphère particulière rarement vue sur une scène.
Les musiciens sont excellents. La puissance de leur musique alliée aux jeux de lumière donne un effet surprenant. On reconnaît parmi les titres joués : « Herb Fields » (hommage à la weed), « Time is an illusion », « Victims of a system », « River stone ». (chansons de l’album “Movement”). Ils interprètent ensuite un titre sur le last war riddim qui déclenchera une énorme réaction du public puis sur « Victims of a system », le chanteur va prendre un bain de foule. Il devient de plus en plus dingue. Il enlève son débardeur et le jette dans le public à la fin du concert.
Les musiciens quittent la scène, le public se dirige alors vers la grande scène pour Horace Andy mais on nous rappelle vers la petite scène. Rootz Underground va effectuer un rappel qui durera 15 minutes, certainement pour pallier au retard d’Horace Andy.
HORACE ANDY
Après une belle introduction musicale, Horace Andy entre lentement sur scène sous les ovations du public très très nombreux ce soir. Les hits arrivent vite : « Man next door », « Fever » et « Problems » qui récoltera le premier pull up.
Horace est très élégant, tout de bleu vêtu avec un bonnet gris. Il en impose, mais ne communique pas beaucoup avec le public. Les hits continuent de s’enchaîner : « Money », « Zion Gates ». Pull up à quasiment tous les morceaux. Puis le chanteur nous fait un petit discours pour nous expliquer que les dreadlocks sont devenues une mode et qu’elles ne signifient plus rien. « Si vous voulez être rasta, pas besoin de locks, mais ne vous rasez plus la barbe. » Il enchaîne avec le très dynamique « Rasta no fashion ».
Il nous rappelle ensuite que son surnom est Sleepy et termine avec ses deux plus grands classiques : « Skylarking » et « Cuss Cuss ».
On a droit à un rappel sur un titre de Massive Attack, puis le show se termine définitivement avec « Babylon leave rastaman alone ». Il quitte la scène sur un « bless » après un show classique, très roots avec que des hits. Ca fait plaisir de terminer le festival avec une légende comme Horace Andy.
NOTES GENERALES
Le festival a été une très grande réussite que ce soit du point de vue musical que du point de vue populaire. On pourra juste regretter la saturation du camping qui manquait cruellement de sanitaires, de douches et de points d’eau. L’organisation a été dépassée par le succès de cette douzième édition mais elle a promis que le treizième reggae Sun Ska s’améliorerait du point de vue de l’accueil des festivaliers en particulier au niveau du camping.
Et pour tout vous dire, on a hâte d’y être.
Merci à Marie et Sophie pour leur accueil, à Fred pour sa gentillesse et à Aurore pour ses bons petits plats.
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