129H et Riddim Squad : Itw Dub Poésie
interview Reggae français 38

129H et Riddim Squad : Itw Dub Poésie

L’album Dub Poésie que l'on vous présentait le mois dernier le fruit de la collaboration de deux producteurs: Nicolas Sélambin (129H) et Yovo M’Boueke (Riddim Squad). Ces deux producteurs reconnus dans le slam, le reggae, le rap et le dub se sont entourés des plus grands noms du slam francophone, pour mettre à l’honneur la dub poetry, en France.

Entretien avec Nicolas Sélambin :

Reggae.fr : Pouvez-vous raconter votre rencontre ?
Nicolas Sélambin (129H) : Nous nous sommes rencontrés lors d'un concert du collectif Irie Member, dont j'étais l'ingé son, au Divan du Monde, au début des années 2000. J'enregistrais alors des maquettes avec ce groupe, mais on manquait d'expérience pour aller au bout de nos ambitions.
Jusque là, je connaissais surtout Yovo de réputation, qui travaillait avec des artistes variés, tels que Secteur A, Alain Bashung, Neg Marrons, Rachid Taha, Tonton David, etc... Son soutien et ses conseils ont été précieux, et son parcours nous a convaincus que c'était la bonne personne pour nous accompagner sur la réalisation de cet album éponyme. S'en sont suivies de longues sessions d'enregistrements et d'arrangements dans mon home-studio de l'époque. Nous avons très rapidement accroché humainement et musicalement et avons par la suite travaillé sur plusieurs projets, qui ont scellé nos affinités personnelles et professionnelles.

Comment est venue l’idée de ce projet commun particulièrement tourné vers la dub poetry ?
Nous avons co-réalisé en 2007 le 1er album solo de Rouda, pionnier du slam en France. Musique des Lettres n'était pas orientée vers la dub poetry, mais le titre en est évocateur, et nous a fortement inspirés. Un jour où je travaillais un nouveau riddim, Rouda a instinctivement commencé à écrire son texte dessus. La genèse du projet est née, et Personne ne nous arrête en est le premier titre. Quand on a fait écouter la maquette à Yovo, il a tout de suite été convaincu. Et comme on voulait depuis longtemps se lancer sur un projet commun, on s'est dit que c'était l'occasion.



Comment vous êtes vous intéressés à ce genre et vous souvenez-vous de la première fois que vous avez écouté de la dub poetry ? Quel(s) artiste(s) et quel(s) morceaux vous ont le plus marqués ?
Fondé en 2001, 129H est né de l'association des slameurs Rouda et Lyor, et de moi-même pour la partie musicale. Le reggae et le slam poésie font donc partie de l'ADN de nos activités. Produire un album de dub poetry francophone a vite résonné comme une évidence. Pour ma part, j'ai découvert LKJ avec son groupe Poet & The Roots (Dread beat' an blood), ainsi que Prince Far I (Message from the King) sur les compilations Virgin (1990), qui ré-éditaient des morceaux emblématiques des années 1970/1980. L'album Bass Culture d'LKJ est une référence que tout passionné de reggae et de poésie devrait connaître !



Comment avez-vous travaillé ensemble pour la réalisation des morceaux ?
Dans un premier temps, nous avons sélectionné des morceaux que j'avais composés, qui semblaient correspondre à nos attentes en termes d'identités sonores. Yovo les a ensuite arrangés, car on avait déjà une idée précise de ce qu'on attendait musicalement. On les a par la suite proposés aux artistes et enregistré les voix. Partant de prods entièrement programmées, et souhaitant arriver à un résultat plus organique, on a fait rejouer les batteries par Richacha, les guitares par Sébastien Houot (Wise Studio), les cuivres par Faya Horns (Rico gaultier et Thomas Henning), et un melodica par Manjul. Pour finir, il restait un bon temps de mixage bien sûr, qui était essentiel à la transcription de l'univers dub.

Comment s’est fait le choix des collaborations vocales ?
Aucun des artistes présents n'avaient déjà posé ses textes sur du reggae. Et c'est aussi ce défi qui nous intéressait. Tous ont fréquenté les scènes slam du collectif 129H, et notre choix s'est naturellement porté sur des affinités textuelles et amicales.

Les slameurs présents ont-ils tous enregistré en votre présence au studio ?
Il nous paraissait indispensable d'être présents pendant les enregistrements de voix. D'abord, car nous souhaitions partager ce moment avec les artistes, et les orienter dans cet exercice nouveau pour eux. Mais aussi car la magie opère lors de ces moments de rencontre uniques en studio. Cette interaction immersive participe grandement au processus de création.

Est-ce que vous les avez dirigés ou guidés au niveau des thèmes à aborder ?
Pour tous les poètes, c'était une grande première. On les a introduit à cette pratique en leur faisant écouter les incontournables, pour qu'ils s'imprègnent du style, mais les thématiques abordées relèvent de l'inspiration de chacun. Il y a bien sûr eu un travail de direction, surtout rythmique, mais l'idée était que chacun s'approprie l'interprétation de son texte.

Pouvez-vous nous parler en particulier du morceau La révolte des poètes feat. Souleymane Diamanka ?
Souleymane est un artiste phare de la scène slam française, également auteur de l'incontournable album L'hiver peul, et du recueil Habitant de nulle part, originaire de partout, grand succès de librairie. Il propose avec ce titre un véritable manifeste poétique, dont se dégage une certaine intemporalité.
On ressent la tradition de l'oralité qui l'habite, héritée de ses origines peul. La révolte des poètes est sûrement le morceau qui se rapproche le plus de la diction du dub poetry telle qu'on la connaît. La voix lead a été enregistrée en une seule prise, et a fait l'unanimité.



Yovo a participé à une époque où reggae et hip-hop étaient associées. Les liens entre les deux musiques se sont distendues avec le temps en France. Comment l’expliquez vous ?
Les combinaisons sont certes moins fréquentes qu'à l'âge d'or du hip-hop, mais les deux musiques s'imprègnent fortement de leurs identités respectives. Les rythmiques Nu-Roots sont très marquées par le hip-hop, qui s'est lui-même inspiré de la "Bass Culture" du reggae. Avec des artistes comme l'Entourloop, Fatbabs, et les featurings de Naâman avec Demi Portion ou Némir, Yaniss Odua et Keny Arkana, Taïro et Youssoupha, le reggae hip-hop a encore de beaux jours devant lui.

Ce projet est-il aussi un moyen de renouer ces liens ?
Certains s'accordent pour dire que rap est l'acronyme de Rythm And Poetry. À la jonction du reggae dub et du rap, l'idée de cet album était de mettre en avant l'oralité, portée par la poésie moderne identifiée sous le nom slam. On espère que cette spectaculaire réunion de mots et de musique sera l'inspiratrice d'une armée de poètes francophones.

Avez vous pensé à proposer le projet à certains artistes reggae qui seraient en mesure de slamer ?
Sur ce 1er opus, l'idée était vraiment de faire appel à des slameurs identifiés comme tels, et de faire se rencontrer deux cultures différentes, qui avaient déjà fusionné dans le reggae anglophone, mais rarement en français. Nous pensons à un 2ème opus qui rassemblera des artistes reggae et hip-hop, en particulier.

Quel est votre meilleur souvenir durant le process de réalisation de ce projet ?
On se rappellera particulièrement des sessions de mixage avec l'illustre Godwin Logie (Aswad, Bob Marley, Black Uhuru, Gregory Isaacs, Horace Andy...) qui nous a fait l'honneur de mixer La révolte des poètes de Souleymane Diamanka et Personne ne nous arrête de Rouda.

- Et le pire ?
Aucun mauvais souvenir à signaler. Le partage avec les artistes a été très plaisant et riche d'enseignements artistiques. Pour l'anecdote, nous avions de notre côté imaginé chaque poète sur un riddim particulier, avant de leur faire écouter. Et ils ont tous choisis sans exception l'instru qui leur était prédestinée !!

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Par Propos recueillis par LN
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