A l'occasion de la sortie du dvd "Natural Mystic Reggae: Une Ballade Jamaïquaine".
Reggae.fr a rencontré et interviewé David Commeillas (RAGGA, Vibrations, Nova, Muziq ....) et Gilbert Pytel (Redac Chef de RAGGA), auteurs de ce documentaire allant du roots au dance hall, du ghetto de Trenchtown à la France, un film musical qui met en perspective l’héritage de Marley et la nouvelle génération rasta!!
Gilbert Pytel ?
Redacteur en chef de Ragga Magazine, ça fait 25 ans que j’écoute et que j’aime le reggae, j’ai decouvert le reggae pas seulement par
Bob Marley, j’ai aussi écouté des groupes comme
Steel Pulse,
Aswad,
Black Uhuru, et je suis tombé dans cette musique par l’intermédiaire du reggae roots et ensuite je me suis interessé au dance hall, j’ai la chance d’avoir des gouts très larges, ma palette va de
Tryo à
Bounty Killer , non !! ou
Busy Signal, en mettant au milieu Tiken Jah,
Admiral T, Sergent Garcia, mes goûts musicaux sont très larges, toutes les branches du Reggae m’intéressent.
Une présentation du dvd :
Ma partie du dvd a été construite comme une espèce de super bonus, la partie principale est la partie que David Comellias a faite : « Natural Mistic Reggae », moi je me suis juste attelé à montrer la diversité du reggae en France et comment les artistes francophones se sont appropriés cette musique, qu’est ce qu’ils ont pris de cette musique et ce qu’ils y ont ajouté, c’est vrai que ça part vraiment dans tous les sens quand on prend les artistes que j’ai choisi :
Tryo,
Sinsemilia,
Mister Gang, K2R, Lord Zeljko, Daddy
Nuttea ,
Daddy Mory, chacun à sa singularité et défend son truc. Ce qui m’interessait c’est ce qu’ils avaient pris du reggae Jamaïcain et ce qu’ils n’avaient pas pris, qu’est ce qu’ils ont pu ajouter de leur propre expérience, ensuite j’ai fait quelques petites esquisses de portraits. Au départ j’étais parti pour faire un petit montage et je me suis vite aperçu qu’il me faudrait 2 ou 3 heures de video, d’images, donc j’ai divisé ça en différents modules où les gens peuvent se servir .
Le choix des artistes :
J’ai essayé de choisir des artistes qui me paraissaient caractéristiques du reggae en France, et j’ai choisi
Admiral T parce qu’il me fallait un artiste issu de la Guadeloupe, Saël pour la Martinique, et
Tryo et
Sinsemilia pour ce reggae qui mélange soit le rock, soit la chanson française, les plus emblématiques, mais par exemple j’aurais voulu mettre
Neg Marrons et ça n’a pas été possible, (parceque un peu difficile à attraper) mais j’aurais pu choisir d’autres artistes, j’ai fais avec mes possibilités, je voulais un selecteur j’ai pris Lord Zeljko.
Le choix des lieux :
Bien, ça s’est fait comme ça, par exemple, il se trouve que
Pierpoljak passe beaucoup de temps en Jamaïque et que David Commeillas avait des images sympas de lui en live et en freestyle, je me suis dis c’est parfait, pour la Nouvelle Calédonie et
Mister Gang, je sais qu’ils ont une histoire avec ce pays, c'est le premier groupe de Reggae à avoir enregistré un album live là-bas. Pour Daddy
Nuttea, j’étais dans un endroit qui s’appelait le 226, un squat où il a commencé, où Tonton David aussi a commencé, ça m’a amusé de retourner avec lui là-bas, il n’y était pas retourné depuis 15 ans, donc on sent qu’il se passe quelque chose,
Tryo en répétition c’était une chance! Et pour
Sinsemilia, on avait un bout de Jamin’, la reprise de Marley, qui n'apparait sur aucun disque. C’était bien de donner au gens un peu plus, mais ce ne sont que des esquisses de portraits, sur le reggae sinon on pourrait faire des heures et des heures..Mais le truc c’était de rajouter quelque chose de complémentaire, voilà David Commeillas vous propose deux heures et demi de Jamaïque , et en France même si ça ne vous interesse pas, allez voir et piochez dedans, comment ils se sont appropriés cette musique là.
Le changement de support du magazine à la video...
D’où vient l’idée de ce dvd ?
C’est très interessant d’abord de passer sur un autre support, et puis c’était une opportunité. Il y avait l’idée de faire quelque chose sur le reggae en Jamaïque, en France et ailleurs. En fait David C. va souvent en Jamaïque , donc s’est apparu comme évident qu’il fasse la partie Jamaïcaine du dvd, et moi le reggae francophone, c’est moi qui m’en occupe dans Ragga donc c’était logique. Et puis c’est vrai qu’il y a très peu d’images de la Jamaïque actuelle donc c’était normal de focaliser sur la Jamaïque.
David Comeillas : « Mais il ne faut pas dénigrer la partie du dvd francophone qui est très interessante même si elle s’est vu critiquée , ce qui est interessant c’est la sincèrité, l’ego des artistes est laissé vraiment de côté dans les images qu’il propose, et ça c’est assez inhabituel dans le reggae français, dans les interviews ou à la télé. »
Et puis pour moi, mon cheval de bataille depuis le début , dans Ragga, est également d’essayer de montrer la diversité, la palette de ce que l’on nous propose dans le reggae, oui et puis 3 h 45 min. de video distribué partout à 26 euros en Fnac, et 21 euros ailleurs, objectivement les gens en ont pour leur argent.
Ce qui est important surtout c’est de montrer l’universalité de la musique reggae, c’est une des seules musiques à être aussi riche, à pouvoir se mèlanger avec tout, elle peut absorber d’autres musiques.
Il y a peu de genres qui sont aussi riches et divers, et ça je voulais le mettre en avant....
David Commeillas ?
Je suis arrivé dans le reggae grâce à Raggasonic, je travaillais chez Source, à l’époque de leur premier album, je passais du temps, grâce à ce boulot, avec Big Red et
Daddy Mory, ensuite j’en avais un peu marre des maisons de disques , je me suis donc mis à mon compte en tant que journaliste. Je travaillais aussi dans l’affiche, et surtout dans le rap, et puis après j’ai bossé pour Tracks sur Arte, puis pour Zurban, ensuite j’ai eu une emission sur Nova, et enfin Ragga depuis le premier numero.
D’ou te vient cet interêt pour le reggae ?
Comme tout le monde
Bob Marley m’a marqué quand j’avais 14 ans, et ensuite, bon... moi j’étais surtout dans le hip hop, dans les années 90 j’étais sur Génèration, j’avais une émission qui s’appelait « Sang d’Encre », et le hip hop s’est un peu commercialisé selon moi. Il y avait beaucoup moins de choses interessantes à écouter et c’est là où via l’expérience que j’avais chez Source et aussi via Raggasonic, que je me suis mis à écouter beaucoup plus de reggae. A l'époque il n’y avait pas de magazine sur le reggae. Un jour j’ai rencontré Gibert Pytel, qui venait interviewer Raggasonic, quelques semaines plus tard on s’est appelé, et il se trouve qu’on avait la même idée de magazine avec le même nom, voilà comment ça s’est passé.
Le choix des artistes dans la partie Jamaïcaine du dvd ?
D’abord j’ai choisi mes artistes par rapport à mes connections, parce que les Jamaïcains s’étant trés longtemps fait arnaquer par plein de gens, ne sont plus très faciles à filmer. Ils ne comprennent pas que c’est aussi de la promotion pour eux et ils ont de suite un rapport à l’argent assez féroce. Il y en avait certains qui avaient déjà confiance en moi grâce à des interviews que j’avais faites avec eux, avant. De plus, j’y étais déjà allé une bonne dizaine de fois, il savaient qu’ils pouvaient avoir confiance en moi donc ils ont accepté de participer.
Aprés, comment j’ai choisi....en fait il y a eu des rencontres au fil du tournage, par exemple
Earl Chinna Smith, en fait je voulais filmer les vieux théatres dans lesquels avait joué
Bob Marley,
Ken Boothe etc... avant même d’avoir fait leur premier disque, et au détour d’une conversation avec
Earl Chinna Smith, un soir chez lui, je lui ai dis que j'allais filmer les vieux théatres de Trenchtown le lendemain. Il me proposa de m'accompagner. Donc à 6 heures du matin, on a été là-bas avec lui, et on a pu filmer sans trop de problèmes , on a pu se ballader dans Trenchtown avec la camera, jusqu’à midi sous un soleil de plomb. Nous sommes allé voir Treasure Isle, Studio One, là ou Marley a grandi et les vieux théatres, « The Ambassador Theatre ».
La rencontre avec
Ken Boothe.... Je l’avais interviewé plusieurs fois et rencontré à Radio Nova à chaque fois qu’il passait à Paris, donc il s’est rappelé de moi et ça facilite les choses! Il nous a très bien reçu et ouvert les portes de chez lui. Il a accepté de nous faire visiter le musée, mais en fait ce morceau là du dvd est un mélange de deux séquences, avant de partir dernièrement en Jamaïque avec le cameraman de 2Good dans l’optique de faire un dvd, il se trouve que je filmais mes interviews, j’en gardais des traces, et j’avais déjà environ 40, 50 heures de rush de mes anciens voyages, donc on a pu monter des choses interessantes et plus cohérentes.
Donc, dans la partie jamaicaine du dvd, il y a des images à moi que j’ai tourné lors de mes autres voyages, comme le Garnet Silk show, par exemple en 2003, et d’autres extraits où les images sont un peu moins rares, on va un peu moins dans les ghettos mais par contre elles sont beaucoup plus belles, mieux filmées parce que tournées dernièrement et grace à 2Good.
Le choix des artistes de la nouvelle génèration :
Chezideck, trois albums à son actif, la première interview que j’ai faite de lui c’était pour ses premiers singles, il n’avait pas encore fait d’albums et moi j’avais adoré ses premiers productions. Je trouvais qu’il avait une voix très particulière, nous avions fait 4 ou 6 pages sur lui dans Ragga avant même la sortie de son premier album. On lui avait envoyé le magazine, il s’en est souvenu , il avait apprecié et a accepté de participer au dvd. D’une manière génèrale, en Jamaïque, même si c’est un pays assez dur, si tu donnes gratuitement et généreusement parce que tu aimes leur musique, les gens vont te le rendre et la musique aussi. C’est ce qu’ont fait certains artistes pour ce dvd, ils ont accepté quasiment gratuitement d'y participer.
Sizzla par contre... Il n’y a pas d’interview mais du live, j’avais la chance que ce soit un de mes amis jamaïcains qui produisait le Garnet Silk Show, Jah Mic du label Kariang, il m’a gentiment autorisé à utiliser des extraits de son concert.
Mais moi j’ai eu envi de donner tout ça de la Jamaïque, de mes voyages de mes rencontres alors il y a des moments où c’est mal filmé, où il y a des contre jours, mais voilà on avait envie de sortir ces images et j’éspère que ça va inciter les gens à acheter des disques, et aimer encore plus cette musique.
L’envie c’était de...
Il y avait peu de moyens, et je trouvais déjà très courageux de la part d’une petite boîte de production indépendante comme 2good de miser sur un dvd sur le reggae, donc pas de moyens pour acheter des images d’archives, des morceaux de musique, pour payer une grosse équipe de tournage, alors au lieu de rivaliser avec de beaux documentaires comme on peut voir sur Arte où les images sont super lisses, splendides. Je me suis dis, prenons le contre-pied et essayons de filmer la Jamaïque au plus près, de ce qu’elle a de plus brut, de plus vrai, c’est le seul avantage que je peux avoir avec mon réseau de connections, c’est pour cela que même pour les musiques ça n’était pas facile, j’ai fait un bonus sur Makasound parce c’est un label que j’aime beaucoup, qui travaille un peu comme nous avec des bouts de ficelle, et qui fait un super boulot . Mais c’était aussi une façon de dire laisser nous utiliser une partie des musiques pour pas trop d’argent, et ainsi on pourra aussi illustrer notre documentaire avec de la bonne musique. Donc , avec des petits budgets, des bouts de ficelles et malgré tout, ça existe et j’espère que malgré tous les défauts que peut avoir le film, les gens auront du plaisir à le regarder.